« Au XXIe siècle, les villes viennent dans les aéroports » (Augustin de Romanet)

Le patron d'ADP veut faire du centenaire du Bourget l'occasion de mobiliser l'entreprise dans une compétition mondiale pour l'excellence du service et l'innovation. Un défi pour ADP, qui veut rester le premier hub en Europe et mise sur les projets de connexion directe entre Paris, Roissy et Orly.
Augustin de Romanet, PDG d'Aéroports de Paris (ADP) / DR

LA TRIBUNE - L'aéroport Paris-Le Bourget fête son centenaire. Quelle place joue cette histoire dans votre positionnement à l'égard de vos concurrents ?

AUGUSTIN DE ROMANET - L'importance de l'histoire d'Aéroports de Paris par rapport à nos concurrents est cruciale. Avec les cent ans du Bourget, que nous fêtons cet été, nous sommes le premier aéroport au monde. Une histoire riche et continue.

Cette histoire nous donne le devoir d'être le premier groupe aéroportuaire mondial. Cela veut dire être capable d'avoir les meilleures équipes professionnelles et d'assurer le meilleur service dans le maximum d'implantations dans le monde. Ces challenges extérieurs sont indispensables pour maintenir les équipes dans le peloton de tête de la compétition internationale. L'amélioration de la qualité du service est ma priorité. Je souhaite créer une véritable marque internationale d'aéroports.

Nous sommes en réalité à l'an zéro des aéroports à l'échelle de l'histoire universelle. Cent ans d'âge est à la fois immense par rapport à nos concurrents, mais modeste dans l'absolu. Faire évoluer notre modèle, en tirant les leçons de notre histoire exceptionnelle, est aujourd'hui le défi de notre entreprise.

Quel rôle joue ce centenaire dans la motivation des équipes d'Aéroports de Paris ?

Ce centenaire est très important, car c'est en puisant dans les racines de notre histoire que je souhaite inviter nos collaborateurs à être innovants. C'est au Bourget qu'a été créé le premier aéroport moderne international. C'est dans le groupe Aéroports de Paris que je souhaite créer le premier groupe aéroportuaire mondial.

Le Bourget a été un peu laissé pour compte par Aéroports de Paris, qui s'est concentré sur Orly puis Roissy.

C'est actuellement le premier aéroport d'aviation d'affaires en Europe. Quel rôle a-t-il dans l'avenir d'ADP ?

Si vous raisonnez en termes comptables, en excédent brut d'exploitation, Le Bourget représente quelques millièmes d'Aéroports de Paris. Si vous raisonnez en âme et en esprit, Le Bourget est la racine d'ADP. C'est au Bourget que Lindbergh atterrit lors du premier New York-Paris...

Les aéroports de Paris sont le berceau de l'aviation mondiale, Santos-Dumont, Farman, Blériot, Voisin, les frères Wright... Tous ont réalisé leurs exploits dans le ciel de Paris. Je n'oublie pas les terrains d'aviation générale, Toussus-leNoble, Pontoise, Chavenay, Saint-Cyr, Lognes... j'attache un très grand prix à cette histoire qui croise celle de la culture de la troisième dimension.

Ainsi, le Bourget a une place, au sein du groupe Aéroports de Paris, bien supérieure à sa contribution à notre excédent brut d'exploitation.

On parle beaucoup de l'évolution des villes vers les smart cities. ADP ne pourrait-il pas être un laboratoire de ces évolutions ?

Oui, à deux égards : d'abord parce que les villes viennent près des aéroports. Dans l'Antiquité, les villes venaient près des ports. Au xixe siècle, les villes s'agrégeaient autour des chemins de fer. Au xxe siècle, ce sont les autoroutes. Au xxie siècle, les villes viennent dans les aéroports, alors que ceux-ci étaient construits loin d'elles auparavant. L'intégration de la ville est donc inscrite à notre ordre du jour. L'irruption du sujet urbain dans l'aéroport se fait au moment où les nouvelles technologies arrivent, ce qui a vocation à faire de nous un laboratoire de la ville connectée.

Depuis un aéroport parisien, il est très difficile de relier le centre de Paris. Cela construit une mauvaise image internationale de la capitale. Que ferez-vous pour que cela change ?

L'accès aux aéroports parisiens ne contribue pas à leur bonne image, c'est indéniable. Qu'il s'agisse de Charles-de-Gaulle ou d'Orly, nous avons un déficit dans ce domaine. Ce problème va être réglé par deux nouvelles lignes : la première, qui nous tient particulièrement à coeur, est la Charles-de-Gaulle Express. Elle reliera en vingt minutes la gare de l'Est à Charles-deGaulle quatre fois par heure. C'est une ligne que j'espère ouvrir en 2023.

Par ailleurs, nous avons deux projets de ligne du Grand Paris, qui sont les deux extrémités de la ligne 14 : d'une part l'extrémité qui ira à Orly, et dont j'espère qu'elle pourra arriver dès 2023-2025, et d'autre part la ligne dite « rouge » du Grand Paris, qui desservira Le Mesnil-Amelot en passant par RoissyCharles-de-Gaulle. Nous aurons donc deux nouvelles lignes de transport collectif pour l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle et une nouvelle ligne pour Paris-Orly.

Les relations entre Aéroports de Paris et les collectivités territoriales (régions, Paris, Le Grand Paris) semblent distantes. Quelle est votre analyse ?

Les relations entre Aéroports de Paris et les collectivités territoriales sont anciennes et confiantes. Néanmoins, nous attachons du prix à les développer. Songez par exemple que le maire d'Atlanta fait corps avec son aéroport et en est presque un ambassadeur.

Je souhaite qu'avec Anne Hidalgo, le nouveau maire de Paris, nous puissions être des ambassadeurs de la ville de Paris et que Madame le maire puisse également valoriser tout l'acquis et la force de projection de l'aéroport de Paris.

Les compétiteurs d'Aéroports de Paris, Londres, Francfort... vous mènent la vie dure. Comment continuer la course en tête ?

Pour qu'Aéroports de Paris demeure le premier hub d'Europe, avec 25000 capacités de connexion en moins de deux heures en une semaine, contre environ 10000 pour nos concurrents, il est capital de développer notre qualité de services, d'adapter nos infrastructures et de réfléchir à notre structure tarifaire, pour éviter que les correspondances ne soient excessivement chères par rapport à nos principaux concurrents.

Vous avez acquis 38 % de TAV, exploitant des aéroports turcs. Mais les positions stratégiques ne se situent-elles pas plus loin, entre Europe et Asie ?

La prise de participation d'ADP dans TAV Airports de 38 % est une action positive menée par mon prédécesseur, Pierre Graff. Ce groupe est extrêmement dynamique, non seulement dans l'exploitation d'aéroports, mais aussi dans la construction, puisque nous avons également acquis 49 % de TAV Construction, qui est le troisième constructeur d'aéroports au monde et le premier, de loin, dans la zone Moyen-Orient. C'est un groupe qui connaît une croissance de l'ordre de 15 % par an et qui nous apporte beaucoup de complémentarités sur le plan financier, mais aussi sur le plan de l'expertise et des ressources humaines.

Aéroports de Paris est partenaire du Paris Air Forum. Pourquoi avoir souhaité participer à la tenue du débat d'idées ?

Notre partenariat avec La Tribune et Forum Média pour ce forum est au coeur de ma vision de l'entreprise dans la cité. Dans une société en crise, qui manque de bonnes nouvelles, l'aéronautique en est une, majeure. Le secteur de l'aéronautique apporte aujourd'hui une croissance à nulle autre pareille. La première usine, aujourd'hui, en France, n'est pas une usine automobile, c'est une usine d'avions. Le secteur aéronautique a été enfanté par la France.

Nous avons aujourd'hui des fabricants d'avions, des sous-traitants, une très belle compagnie aérienne, une très belle compagnie d'aéroports, qui est la première capitalisation mondiale de groupes d'aéroports. Toutes ces bonnes nouvelles du passé annoncent les bonnes nouvelles du futur : créations d'emplois, développement, opportunités.

En lançant cette idée du Paris Air Forum avec nos deux partenaires, nous avons voulu contribuer à témoigner des atouts du monde de l'entreprise, de ceux qui inventent l'avenir en construisant le présent.

 

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Commentaire 1
à écrit le 11/07/2014 à 11:42
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au XXIème siècle, le peak oil rend 3 fois plus cher le transport part avion et les aéroports s'effondrent. ça serait bien que les gens regardent un peu les grands enjeux au lieu d'imaginer l'avenir comme une poursuite linéaire des tendances actuelle...

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