Air France : les pilotes veulent 10,7% d'augmentation, la direction propose +0,6%

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  907  mots
Les négociations annuelles obligatoires (NAO) ont débuté hier à Air France sur fond de résultats financiers record pour Air France-KLM. La direction d'Air France a proposé une augmentation générale de 0,6%. Les pilotes, dont les grilles salariales sont gelées depuis 2011, demandent quant à eux une augmentation de 10,7%, intégrant notamment un rattrapage de l'inflation cumulée depuis 2011. Certains pilotes évoquent la menace d'un préavis de grève s'ils n'obtiennent pas gain de cause. Ce qui semble peu probable.

Les échanges risquent d'être une nouvelle fois musclés entre les syndicats des pilotes d'Air France et la direction. Après la montée de température des syndicats de pilotes début janvier sur la question des prérogatives du commandant de bord en matière de sécurité des vols, c'est la question salariale qui risque aujourd'hui de faire des étincelles. Alors que les NAO (négociations annuelles obligatoires) ont débuté ce mardi avec une proposition de la direction d'une hausse générale de 0,6%, le SNPL et Alter, deux syndicats de pilotes, demandent une augmentation de 10,7%, l'équivalent d'une centaine de millions d'euros.

Gel des salaires depuis 2011

Selon le calcul des syndicats, cette hausse correspond pour 6% au rattrapage de l'inflation cumulée depuis 2011, date à laquelle les grilles salariales ont été gelées et, pour le reste, à des mesures concernant essentiellement la revalorisation de la rémunération des commandants de bord moyen-courrier qui serait inférieure à celle observée chez des transporteurs concurrents. Une demande d'autant plus justifiée à leurs yeux que le groupe va publier des résultats financiers record pour l'année 2017.

"Même s'il s'agit d'un point de départ dans la négociation, proposer une hausse de 0,6% est une provocation. Cela ne couvre pas l'inflation attendue en 2018 et encore moins le rattrapage l'inflation cumulée depuis le gel des grilles salariales en 2011, alors que le groupe va dégager un bénéfice d'exploitation record de 1,5 milliard d'euros (avec KLM, Ndlr)", s'insurge un pilote.

Si le montant précis de l'augmentation souhaitée par les pilotes n'était pas connue jusqu'ici, son principe l'était. Fin novembre, les deux syndicats ont alerté la direction sur la nécessité d'augmenter les pilotes. Et la direction y a déjà répondu en indiquant que le gel des grilles des pilotes depuis 2011 n'avait pas empêché une forte hausse de rémunération pour la très grande majorité des pilotes, du fait de l'évolution des carrières.

"Entre 2012 et 2017, l'évolution de la rémunération moyenne des pilotes présents a été de + 9,1%, hors effet des cadences. Cette progression importante s'explique par l'évolution des classes, l'ancienneté et les changements de machine [plus un avion est gros, plus la rémunération des pilotes est élevée, Ndlr] ou de spécialité (passage CDB) [passage de copilote à commandant de bord, Ndlr]. Sur la même période, le salaire annuel moyen perçu par pilote est passé de 179.000 euros (salaires et traitements bruts moyens par pilote à temps plein) à 201.000 euros, soit une augmentation de +12%", avait répondu Franck Terner, le directeur général d'Air France dans un courrier envoyé aux syndicats.

"Pour les pilotes présents entre 2012 et 2017 (donc hors effet nouveaux entrants), le salaire moyen sur la période a même augmenté de +18%", avait-il précisé, en ajoutant que « sur la période, l'indice INSEE des prix à la consommation a été de +2.5%»."

Peu de chance d'avoir gain de cause

Aussi légitime soit-elle aux yeux des pilotes, la demande a peu de chance d'être mieux  entendue aujourd'hui.

"Si elle l'était, elle entraînerait de facto un pourcentage de hausse identique pour l'ensemble des catégories de personnels d'Air France puisque la demande des pilotes ne peut s'inscrire que dans le cadre de la NAO. L'augmentation représenterait plusieurs centaines de millions d'euros. Ce que ne pourra pas accepter la direction", explique un syndicaliste membre d'une organisation représentant les personnels au sol.

Un telle décision amputerait de près de la moitié des bénéfices d'exploitation d'Air France en 2017, lesquels devraient représenter un peu moins de la moitié du 1,5 milliard d'euros généré par l'ensemble du groupe Air France et KLM. On imagine donc la réponse de la direction qui va devoir également composer avec les actionnaires, fatigués de ne pas avoir eu de dividende depuis une dizaine d'années. Autant de demandes qui arrivent au moment des vents contraires commence à faire jour, notamment la hausse des prix du carburant.

Selon certains syndicalistes, pour avoir éventuellement gain de cause, les syndicats de pilotes auraient dû accepter la proposition de la direction de négocier dans un cadre bilatéral une nouvelle structure de la rémunération en échange de mesures de productivité.

Menace de grèves?

 "Une autre démarche serait d'envisager des négociations plus larges, incluant, dans un « gagnant-gagnant », des évolutions de rémunération avec des changements de système de rémunération, des mesures de productivité et d'efficacité ou de périmètre. C'est la voie qu'ont choisie d'autres compagnies, en particulier Lufthansa. Il me paraît envisageable d'entrer, si vous le souhaitez, dans une discussion de ce type, dont l'objet serait d'examiner de nouvelles mesures encourageant la croissance en incluant une discussion sur les grilles de rémunération pilotes, en niveau comme en structure", avait indiqué en décembre Franck Terner aux pilotes.

Ce que refusent les pilotes. "Toucher à la structure de la rémunération, c'est toucher au contrat, c'est-à-dire à tout ce qui concerne la productivité, le découpage des rotations, etc. C'est une quasi-déclaration de guerre", expliquait un pilote.

Si la négociation sur les NAO doit s'achever ce vendredi, les tensions risquent de durer plus longtemps. Certains pilotes n'hésitent pas à d'ores et déjà brandir la menace d'un préavis de grève.