L'interdiction d'UberPop va raviver les tensions entre taxis et VTC

Par Mounia Van de Casteele  |   |  772  mots
Le véritable problème demeure, selon les taxis, le statut d'auto-entrepreneur fiscalement avantageux pour les VTC. S'il était supprimé, cela apaiserait les relations avec les taxis, et le risque d'assister à de nouvelles émeutes s'en verrait réduit.
Les taxis restent très remontés non pas contre les VTC qui descendent de l'historique "Grande remise", mais contre tous les "vendeurs d'applications pour smartphone". Sans parler des particuliers "qui s'improvisent chauffeurs pour arrondir leurs fins de mois", déplore la FNDT.

La décision des Sages referme un chapitre mais en rouvre un ancien. En confirmant l'interdiction d'UberPop, l'offre de transport entre particuliers à prix cassés, le Conseil constitutionnel règle certes en partie le problème du "taxi clandestin". Le service du géant américain Uber cristallisait jusqu'à présent toutes les tensions émanant aussi bien des taxis que des entreprises et plateformes de VTC (voitures de transport avec chauffeur), mais également des applications pour mobile comme Heetch et Djump -qui a préféré depuis se faire racheter par le VTCiste Chauffeur Privé.

Reste le cas de Heetch

Notons que ce dernier point peut surprendre, alors que les pouvoirs publics ont tendance à mettre UberPop, Heetch et Djump dans le même panier.... Mais quid de la toute jeune pousse Mapool -dont le modèle économique s'apparente à celui de Heetch, qui met surtout en avant (et c'est assez habile de sa part) le transport de personnes par des particuliers en moto, maintenant que le transport de personnes par des particuliers à titre onéreux est déclaré illicite, excepté pour les deux-roues... Va-t-elle pour autant arrêter son service qui fonctionne de la même façon mais avec des voitures, sachant qu'elle est soutenue par BPI France et la région Ile-de-France?

Un report de la demande

Quoi qu'il en soit, d'une certaine façon, seul le dossier "Uber" semble désormais classé. Car il reste encore à résoudre le "problème Heetch et des autres applications similaires", expose à La Tribune Didier Hogrel, président de la Fédération nationale du Taxi (FNDT). Concernant Heetch d'ailleurs, la majorité des VTC estiment également qu'un certain flou mérite d'être dissipé par l'Etat. Et pour cause, "les services de transport à titre onéreux entre particuliers cannibalisent la demande", explique à La Tribune Bertrand Altmayer, cofondateur de Marcel Chauffeur, une plateforme de mise en relation entre clients et chauffeurs de VTC professionnels. Chiffres à l'appui : le chef d'entreprise assure ainsi que depuis les dernières grèves des taxis ayant abouti à l'interdiction d'UberPop par arrêté préfectoral, Marcel a doublé sa croissance !

Ce qui n'est pas du goût des taxis. C'est le moins que l'on puisse dire. "Les taxis restent nerveux", confirme Yves Weisselberger, co-fondateur de SnapCar et président de la FFTPR -la Fédération française de transport de personne sur réservation créée par Benjamin Cardoso (Le Cab). Et pour cause, "ils n'ont toujours pas digéré l'histoire des licences de VTC", poursuit-il. A cet égard est-il besoin de rappeler toute la bataille autour d'un possible délai de 15 minutes, que les taxis voulaient faire imposer aux VTC (à la base ils souhaitaient même un délai de deux heures...), et qui avait finalement été annulé par le Conseil d'Etat en décembre?

Des textes non appliqués

Cependant les taxis n'ont pas dit leur dernier mot. Car à leurs yeux, le problème est en effet loin d'être réglé. C'est d'ailleurs pour cela que l'interdiction d'UberPop ne les satisfait que moyennement à en croire Didier Hogrel... Pour simplifier leur discours, les taxis n'admettent pas le fait de se faire concurrencer par des applications pour smartphones. "Ce que nous condamnons ce sont tous ces vendeurs d'applications pour smartphones", avertit le président de la FNDT. Et de poursuivre :

"Aujourd'hui la mode est aux transports, mais si demain la mode est à la banane, vous verrez qu'ils iront tous sur le marché de la banane !"

Les taxis condamnent notamment "la non-application des textes en vigueur", à commencer par le "stationnement des VTC dans la rue" quand ils sont censés retourner à leur base entre chaque course. Didier Hogrel lance ainsi :

"Les fédérations de taxis professionnels condamneront toujours de tels procédés !"

Le statut d'auto-entrepreneur en question

Mais surtout, "ce qui pose un réel problème, c'est le statut d'auto-entrepreneur", rappelle Didier Hogrel. "Si ce statut était interdit pour les VTC comme il l'est pour les agriculteurs, tous ceux qui en profitent pour faire un complément d'activité arrêteraient et cela limiterait la nuisance faite aux taxis", estime encore le président de la fédération. Qui va même jusqu'à déclarer :

Aujourd'hui le taxi est en train de mourir à cause des chauffeurs occasionnels."

Soulignons au passage que ce n'est pas le fait que la grande majorité des VTC soient des "indépendants" qui pose problème, puisque c'est également le cas des chauffeurs de taxis (que diraient G7 et Taxis Bleus s'il fallait salarier tous leurs "chauffeurs partenaires"...?), mais bien le statut d'auto-entrepreneur, plafonné à 32.900 euros pour les services, et fiscalement très avantageux.