Alstom s'écroule une nouvelle fois en Bourse : les mesures de redressement ne rassurent pas

Par Mathieu Viviani  |   |  941  mots
Plombé par des difficultés commerciales et financières, le groupe ferroviaire se donne pour objectif une réduction de sa dette de 2 milliards d'euros d'ici mars 2025. (Crédits : REGIS DUVIGNAU)
Le constructeur ferroviaire Alstom, qui connaît des difficultés commerciales et financières, s'est fixé comme objectif de réduire sa dette de 2 milliards d'euros d'ici mars 2025, envisageant, « en fonction des conditions de marché », une augmentation de capital.

[Article publié le mercredi 15 novembre 2023, à 11h15, mis à jour à 17h57]

Les difficultés continuent pour Alstom qui a annoncé, ce mercredi 15 novembre, un plan de réduction de coûts entraînant la suppression de 1.500 emplois dans le monde, soit 10% des fonctions commerciales et administratives. Plombé par des difficultés commerciales et financières, le groupe ferroviaire se donne pour objectif une réduction de sa dette de 2 milliards d'euros d'ici mars 2025. Une mesure qui n'a pas encore convaincu les investisseurs. À la clôture, ce mercredi, à 18h00, le cours de l'action d'Alstom plongeait de 15% à la Bourse de Paris... et même de 43% depuis l'annonce d'un « profit warning », le 5 octobre, ne laissant maintenant au groupe qu'une capitalisation boursière de 4,6 milliards euros.

Des suppressions qui toucheront l'ensemble des pays

Lors d'un point presse ce mercredi matin, le PDG d'Alstom s'est volontairement montré évasif sur les modalités de ces suppressions d'emplois, arguant que les précisions seront données ultérieurement et « en premier aux partenaires sociaux concernés ».

Mais le dirigeant a tout de même tenu à expliquer : « Ses réductions d'emploi ne toucheront pas les fonctions productives d'Alstom, mais des fonctions supports. (...) Il s'agit de la fin de l'intégration du groupe Bombardier, qui est équivalent, en taille, à Alstom. Pour cette fusion, on avait besoin de nombreux postes supports, dans l'administratif, la finance, etc. Ces suppressions toucheront l'ensemble des pays où Alstom est présent. »

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Céder des actifs, voire augmenter le capital

Pour réduire sa dette, le groupe envisage aussi des cessions d'actifs et éventuellement une augmentation de capital, selon le communiqué du groupe. Henri Poupart-Lafarge a détaillé à ce sujet : « On a déjà lancé une revue d'actifs pouvant être potentiellement cédés. Mais on ne donne pas de détails pour le moment, car le processus n'est pas fini. Je peux juste vous dire que ce sera des actifs très différents les uns des autres ».

Le dirigeant a aussi précisé qu' « aucun contrat en cours ne sera abandonné » car « cela n'a jamais été le cas chez Alstom ». Quant à une potentielle augmentation de capital, Henri Poupart-Lafarge a précisé que la démarche sera engagée « si nécessaire », en fonction du résultat produit par la cession d'actifs.

Pour redresser la barre, le groupe va aussi changer sa gouvernance : il fait appel à Philippe Petitcolin, l'ancien patron de Safran, pour occuper les fonctions de président du conseil d'administration, d'ici « 9 mois », selon le patron d'Alstom.

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« Notre modèle d'affaires n'est pas remis en cause »

Pour le premier semestre de son exercice décalé 2023/2024, Alstom a présenté un chiffre d'affaires en légère hausse de 4,9% à 8,4 milliards d'euros, et un résultat net part du groupe tout juste dans le vert à 1 million d'euros (contre une perte nette de 21 millions d'euros un an plus tôt).

« Cela montre qu'Alstom connaît une croissance organique importante et une rentabilité en ligne avec nos attentes et celles du marché. (...) Notre carnet de commandes est plein, à hauteur de 90,1 milliards d'euros », a commenté ce matin le patron du géant ferroviaire.

Le PDG a par ailleurs confirmé les objectifs de chiffre d'affaires et de croissance du groupe pour 2023 et à « moyen-terme ». Dans une tentative de rassurer, il a aussi partagé dans la foulée : « On continue notre route, notre modèle d'affaires n'est pas remis en cause. (...) Il nous faut maintenant gérer notre croissance en utilisant moins de capital. »

La difficile digestion du géant Bombardier

Plus de deux ans après le rachat à 5,5 milliards d'euros du Canadien Bombardier Transport, Alstom s'échine toujours à digérer le groupe canadien. Début octobre, le groupe avait notamment fait état d'un flux de trésorerie disponible négatif de 1,15 milliard d'euros au premier semestre de son exercice décalé 2023/2024, et d'une prévision annuelle de 500 et 750 millions d'euros sur la totalité de l'exercice. Et ce, alors que le flux de trésorerie était auparavant annoncé comme « significativement positif » sur l'exercice, selon les analystes de Stifel. Une annonce qui avait fait s'écouler l'action de plus de 37%, soit près de 3 milliards d'euros évaporés pour les actionnaires.

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Sur ce flux de trésorerie disponible négatif, la moitié tient à la montée en cadence de la production du constructeur qui a conduit à augmenter fortement les stocks afin d'éviter une rupture des chaînes de production, ce qui consomme du cash. Cela devrait être « totalement résorbé dans les années à venir », avait indiqué le groupe le 5 octobre.

Dans le détail, environ un tiers du flux de trésorerie disponible négatif provient du retard pris par la finalisation du programme Aventra de 443 trains destinés au Royaume-Uni, hérité du portefeuille de Bombardier Transport acquis par Alstom début 2021. La finalisation est désormais prévue au début de l'exercice fiscal 2024-2025, qui débutera le 1er avril 2024. Le reste est dû à des décalages de programmes qui ont conduit à une baisse du niveau d'avances reçues au cours du premier semestre lors de la signature des contrats.

« Nous sommes engagés dans une forte montée en puissance, en particulier dans l'activité Matériel Roulant, qui, en s'additionnant à des projets hérités du portefeuille passé en phase de finalisation au même moment, pèse sur le cash-flow libre de ce premier semestre », avait insisté le PDG Henri Poupart-Lafarge, cité dans un communiqué.

(Avec AFP)