Ferroviaire : Alstom annonce brûler du cash, l’action s’effondre en Bourse (près de -40%)

Jour noir pour Alstom. Le titre du constructeur français a lâché la bagatelle de 37,6% par rapport à la clôture de la veille, après un avertissement, sur un indicateur clé de trésorerie. Des interrogations sur la santé de son bilan se posent, tandis qu'Alstom justifie cette baisse par un besoin de financer la montée en puissance de sa production.
Vers 10h30 (heure de Paris), l'action du constructeur ferroviaire français Alstom plongeait de plus de 30%, après un avertissement, ce mercredi soir, sur un indicateur clé de trésorerie.
Vers 10h30 (heure de Paris), l'action du constructeur ferroviaire français Alstom plongeait de plus de 30%, après un avertissement, ce mercredi soir, sur un indicateur clé de trésorerie. (Crédits : REGIS DUVIGNAU)

[Article publié le jeudi 05 octobre 2023 à 11h44 et mis à jour à 18h40]

Coup dur pour Alstom en Bourse. L'action du constructeur ferroviaire français Alstom s'est écroulé ce jeudi de plus de 37%, à 11h30, après un avertissement alarmant sur sa trésorerie. A la clôture, le titre du constructeur français lâchait la bagatelle de 37,6 % par rapport à la veille, dans un marché en légère hausse. Ce sont ainsi près de 3 milliards d'euros qui se sont évaporés pour les actionnaires.

La cause de cet effondrement ? Le groupe brûle du cash. Et beaucoup même. Dans un communiqué publié mercredi, le géant du ferroviaire français a annoncé avoir enregistré un flux de trésorerie disponible négatif de 1,15 milliard d'euros au premier semestre de son exercice décalé 2023/2024, et table sur une fourchette allant de -500 et -750 millions d'euros sur l'exercice. Et ce, alors que le flux de trésorerie était auparavant annoncé comme « significativement positif » sur l'exercice, expliquent les analystes de Stifel, qui explique que l'avertissement « va immédiatement déclencher des interrogations sur la santé du bilan » du groupe.

Lire aussiTGV du futur : un retard qui commence à se voir pour la SNCF et Alstom

Financer la montée en puissance de sa production 

« Nous sommes engagés dans une forte montée en puissance, en particulier dans l'activité Matériel Roulant, qui, en s'additionnant à des projets hérités du portefeuille passé en phase de finalisation au même moment, pèse sur le cash-flow libre de ce premier semestre », a expliqué le PDG Henri Poupart-Lafarge, cité dans le communiqué mercredi. Mettant en avant la croissance de son carnet de commande, Alstom indique être sur une hausse d'activité de 10 % par an en moyenne pour sa division « Matériel Roulant ».

Sur ce flux de trésorerie disponible négatif de 1,15 milliard, la moitié tient à la montée en cadence de la production du constructeur qui a conduit à augmenter fortement les stocks afin d'éviter une rupture des chaînes de production. Cela devrait être « totalement résorbé dans les années » à venir, affirme le groupe.

Cette consommation de cash se retrouve ailleurs dans l'industrie, avec les tensions qui pèsent sur les chaînes d'approvisionnement, entre l'acquisition des matières premières, les problèmes de recrutement, les coûts accrus. Pour éviter les ruptures logistiques, les compagnies ont remis en cause les préceptes de zéro stock et juste-à-temps au profit de modèles plus résilients avec des réserves. Mais cela a un prix. A titre de comparaison, les flux de trésorerie libre de Safran ou d'Airbus, en pleine phase de montée en croissance dans l'aéronautique, ont diminué d'environ 10 % cette année par rapport au premier semestre 2022 (tout en restant largement positifs).

Pour autant, ces baisses n'ont rien de comparable avec l'effondrement connu par Alstom. S'il rappelle qu'il y a une « saisonnalité habituelle », le constructeur affichait un flux de trésorerie négatif de seulement 45 millions d'euros lors de son premier semestre l'an dernier, loin des 1,15 milliards annoncés hier. Et les problèmes de supply chain ne datent pas d'hier. Sans compter que Siemens, principal concurrent d'Alstom, a amélioré son flux de trésorerie disponible de plus de 50 % pour son activité mobilité lors des trois premiers trimestres de son exercice 2022-2023 par rapport à la même période l'an dernier. Celui-ci a atteint 453 millions d'euros.

Lire aussiDans un premier trimestre atypique, Alstom trouve des relais pour préserver sa croissance

Des retards pas seulement venus de Bombardier

Alstom, avance deux autres facteurs pour expliquer cette perte de cash et pointe notamment le retard pris dans la finalisation du programme de train péri-urbain Aventra, dont 443 exemplaires doivent être livrés à différents opérateurs au Royaume-Uni. Celle-ci est désormais prévue « au début de l'exercice fiscal 2024-2025 », qui débutera le 1er avril 2024. Alstom estime que ce programme, hérité du portefeuille de Bombardier Transport, son rival canadien acquis début 2021, pèse pour un tiers de l'évaporation de trésorerie. Le titre du constructeur français avait d'ailleurs entamé un long déclin dans les mois qui ont suivi ce rachat. Régulièrement côté à plus de 40 euros jusqu'en juin 2021, il oscillait depuis début 2022 entre 20 et 25 euros jusqu'à la chute d'aujourd'hui.

Pour autant, Alstom connaît aussi des retards sur d'autres programmes venus de son propre portefeuille. C'est le cas du TGV M, en cours de développement et qui n'est pas loin d'accuser un an de retard. Les premiers exemplaires sont attendus par la SNCF vers mi-2025. C'est aussi le cas pour les nouvelles rames de RER B, qui ont encore pris du retard récemment et qui n'arriveront pas avant 2027.

Lire aussiAlstom engrange une nouvelle commande de 285 millions d'euros aux Etats-Unis

Le reste est dû à des décalages de programmes qui ont conduit à une « baisse du niveau d'avances reçues au cour du premier semestre » lors de la signature des contrats. Au second semestre, le flux de trésorerie disponible devrait être positif, compris entre 400 et 650 millions d'euros, a-t-on précisé à Alstom, qui dispose de 3,5 milliards d'euros de liquidités.

Cependant, selon les analystes de Stifel, cet avertissement « va immédiatement déclencher des interrogations sur la santé du bilan » du groupe. « On a du mal à comprendre comment les inventaires peuvent augmenter aussi massivement dans un contexte d'amélioration des chaînes d'approvisionnement », ont-ils estimé, évoquant la possibilité « de problèmes plus importants ».

Le directeur financier du groupe a tenté de juguler ces craintes, affirmant jeudi matin à l'agence Bloomberg « complètement comprendre » la déception des analystes et investisseurs, et concédant que l'annonce de mercredi avait constitué un « choc » pour eux. Et selon l'agence, Bernard Delpit s'est dit ouvert à la possibilité de cessions pour améliorer la situation financière du groupe : « S'il y a de bonnes opportunités, j'en discuterai bien sûr avec le conseil d'administration ».

Une dette en hausse

Selon les analystes de Deutsche Bank, la dette nette annuelle d'Alstom s'élève à 3 milliards d'euros, soit environ 1 milliard d'euros de plus que la prévision précédente. Au premier semestre, le constructeur ferroviaire a réalisé un chiffre d'affaires de 8,3 milliards d'euros, en hausse de 2,7% (6,5% à périmètre et taux de change constants) et engrangé 8,4 milliards d'euros de nouvelles commandes (-16,8%).

Le groupe confirme ses autres prévisions, notamment de croissance organique du chiffre d'affaires, et de marge d'exploitation pour l'ensemble de l'exercice. Alstom publiera les résultats de son premier semestre le 15 novembre prochain.

(Avec AFP)

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 10
à écrit le 06/10/2023 à 10:52
Signaler
@Raymond: Ce Raymond! Toujours passionnant et plaisant à lire!

à écrit le 06/10/2023 à 2:08
Signaler
La plupart des gens ne comprennent pas que l'aspect le plus triste de cette affaire est que les Français considèrent toujours Alstom comme le sommet de l'industrie plus de deux décennies après le début du 21e siècle. Les GAFAM (et Nvidia) en rient. L...

à écrit le 05/10/2023 à 14:34
Signaler
Ça pue l'OPA

à écrit le 05/10/2023 à 14:32
Signaler
La BPI perd gros aujourd’hui: 220 millions?

à écrit le 05/10/2023 à 13:20
Signaler
Une bonne opportunité d'achat. Merci Alsthom.

à écrit le 05/10/2023 à 12:22
Signaler
Dans un article précédent, j'ai commenté le phénomène de "la fragilité minskienne". Alors, pour refaire un clin d'œil aux travaux de l'économiste (hétérodoxe) américain, Hyman Minsky (notamment "Stabilizing an Unstable Economy”), je vais illustrer un...

le 06/10/2023 à 11:54
Signaler
J'ai tjrs aimé les références plus particulièrement lorsque l'on se prosterne devant les économistes anglo saxon. Pour mémoire un bon économiste est celui qui vous intéresse explique le lendemain de sa théorie pourquoi il était dans l'erreur. L'écono...

à écrit le 05/10/2023 à 12:00
Signaler
Vous allez bientôt pouvoir en faire tous les jours des articles de se genre, alors commencez à aiguiser vos crayons.

le 05/10/2023 à 13:58
Signaler
Raymond la science , faute d'inattention ou méconnaissance "de se genre " à que non de "ce" genre !

le 05/10/2023 à 14:33
Signaler
@Idx. Mea culpa! Il est vrai que pianoter sur mon smartphone n'est pas toujours la panacée. D'ailleurs, après publication, souvent, je remarque que trop tard mes nombreuses coquilles, désolé pour vos yeux. J'espère que vous me pardonnerez cette erran...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.