Royaume-Uni : Amazon veut transformer les automobilistes en livreurs

Par Nicolas Raffin  |   |  500  mots
Amazon pourrait devoir faire face à des obstacles juridiques.
Le groupe américain propose à tout un chacun de livrer des colis sur son temps libre, à l'instar de ce que font d'autres plateformes pour le transport de personnes et la livraison de nourriture

La distribution de colis est un sujet en vogue au Royaume-Uni. Après l'enquête fouillée du Guardian qui révélait le salaire misérable de livreurs travaillant pour un groupe allemand, c'est au tour d'Amazon de faire parler de lui.

Selon le Financial Times, le géant du commerce électronique voudrait exporter au Royaume-Uni un modèle développé aux Etats-Unis et baptisé Amazon Flex: utiliser des chauffeurs amateurs pour livrer des colis. Plusieurs petites annonces ont d'ailleurs été publiées en juin sur plusieurs sites, comme celle présentée ci-dessous :

Amazon promet au futur livreur un gain compris "entre 13 et 15 livres [soit 15 à 18 euros] de l'heure, pourboire compris". Un gain tempéré par le FT : "Ce salaire n'est pas garanti et peut être abaissé si le conducteur met plus de temps que prévu à livrer."

La flexibilité est mise en avant comme étant le principal avantage du job : "Livrez quand vous le voulez (...) horaires flexibles (...) tout ce dont vous avez besoin, c'est d'une voiture, d'un smartphone et de temps libre." Le FT explique que pour travailler, le livreur amateur aura seulement besoin de lancer une application, à la manière d'un chauffeur Uber : "l'application les guidera pour la livraison des colis et permettra aux clients de suivre en direct leur trajet".

Emploi ou exploitation ?

Pour assurer la promotion de son service, Amazon cite au FT une enquête du Centre for Economics and Business Research, selon laquelle "68% des chômeurs seraient prêt à travailler s'ils avaient l'opportunité de le faire de manière flexible". Une façon de dire qu'Amazon Flex est bon pour l'emploi, et donc pour l'économie.

Une vision que ne partagent pas nombre de livreurs qui travaillent pour Amazon via des agences. Sur un forum, ils sont nombreux à raconter leur expérience, et elle est souvent loin d'être idyllique, comme ce message par exemple: "Je travaille comme livreur pour Amazon, et je suis payé moins que le salaire minimum. Comment pouvons-nous livrer 150 à 190 paquets par jour (...) j'ai parfois fait des journées de 14 heures et j'ai été payé seulement pour 10 heures (...) Ne devenez surtout pas livreur indépendant."

Obstacles juridiques

Tout comme la société de VTC américaine, ou les plateformes de livraison de nourriture comme Deliveroo et Foodora, Amazon veut donc employer une main d'oeuvre facilement malléable tout en prenant le minimum de risque, puisque ces travailleurs ont un statut d'indépendant, et non de salarié.

Mais comme le rappelle le FT, cette manière de concevoir la relation entre une plateforme et un travailleur est contestée en justice. Un tribunal de Londres doit d'ailleurs démarrer cette semaine un procès sur le statut juridique des chauffeurs Uber. En France, c'est l'Urssaf qui a engagé des poursuites en mai contre la plateforme. L'organisme collecteur des cotisations de la Sécurité sociale considère qu'il existe "un lien de subordination" entre les travailleurs indépendants et la société, et donc que les chauffeurs d'Uber sont des salariés.