SNCF, cars Macron, nouvelles mobilités : pour qui roulent les candidats ?

Par Mounia Van de Casteele  |   |  1749  mots
"La mobilité est un besoin, un bien de première nécessité pour chacun d'entre nous", martèle TDIE. D'où l'intérêt de revenir à une TVA de 5,5%. Sur ce point, trois candidats s'accordent : François Fillon, Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon. En revanche, Marine Le Pen s'y oppose, tout comme Emmanuel Macron.
Que proposent les candidats à la présidentielle pour améliorer la mobilité de leurs concitoyens ? Tour d'horizon de leurs réponses aux questions du think tank pluraliste TDIE.

Que proposent les (principaux) candidats à la présidentielle pour améliorer la mobilité de leurs concitoyens ? Philippe Duron, député socialiste du Calvados et Louis Nègre, Sénateur LR des Alpes-MAritimes, co-présidents du think tank TDIE (Transport Développement Intermodalité Environnement), ont publié mardi les réponses de François Fillon, Benoît Hamon, Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen au questionnaire qu'ils leur avaient adressé fin février afin de connaître leurs intentions et leurs orientations quant à la politique des transports, mobilité et logistique, pour le prochain mandat. Les deux parlementaire se réjouissent notamment d'un consensus autour de certaines idées portées depuis sa création (en 2001) par TDIE, à l'instar de la nécessité d'une loi de programmation du financement des infrastructures à l'échelle du mandat, ou d'une nouvelle appréhension de la route afin d'optimiser sa complémentarité avec les autres modes de transport, au lieu de l'y opposer. En revanche, la perspective d'un ministère en lieu et place d'un simple secrétariat d'Etat n'est pas d'actualité. Tour d'horizon.

L'avenir de la route

Direction l'autoroute, pour commencer. Si les candidats sont unanimes sur la nécessité d'entretenir le réseau routier, ils s'avèrent plus nuancés sur le développement du réseau. Par exemple, les candidats Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon s'opposent à tout nouveau projet routier. Engagés sur les thèmes de la transition et de la planification écologique, ils privilégient le report modal. De quoi faire ressortir l'analyse manichéenne d'une opposition entre la route et les autres modes de transport, alors que le débat se trouve ailleurs. L'objectif n'est cependant pas de supprimer l'usage de la voiture mais d'optimiser le taux de remplissage des véhicules, et donc de favoriser le covoiturage notamment.

Pour leur part, François Fillon et Marine Le Pen se montrent favorables à la route, qu'ils perçoivent comme la desserte la plus adaptée aux territoires ruraux. Le candidat "Les Républicains" la présente même comme la seule option économiquement viable pour les territoires peu denses. Quant à la candidate frontiste, son objectif est de garantir l'accès aux services publics dans les territoires ruraux. Enfin, Marine le Pen et Jean-Luc Mélenchon souhaitent renationaliser les autoroutes. Une démarche qui accompagne le retour d'un Etat stratège et centralisateur.

La SNCF, la concurrence et la dette

Autre gros dossier : l'avenir du système ferroviaire français. En effet, avec l'ouverture à la concurrence prévue par le quatrième paquet ferroviaire et la réforme de 2014, l'avenir de la gouvernance du système ferroviaire français fait débat.

D'un côté, les candidats Benoît Hamon et Emmanuel Macron veulent transformer Gares & Connexions en un troisième EPIC (établissement public industriel et commercial). De l'autre, François Fillon compte supprimer l'EPIC de tête pour séparer totalement SNCF Mobilité et SNCF Réseau. Quant à Jean-Luc Mélenchon, il souhaite revenir sur la réforme ferroviaire de 2014 en unifiant le gestionnaire d'infrastructure et l'opérateur historique en un seul pôle public.

Pour rappel, en regroupant dans une même entité (groupe SNCF) le gestionnaire de l'infrastructure (SNCF Réseau, ex Réseau Ferré de France) et l'opérateur (SNCF Mobilités), la réforme ferroviaire d'août 2014 a donné naissance à un ensemble complexe juridiquement, composé de trois EPIC (la structure de tête SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités). Aux yeux de la Cour des comptes, cette structure risque d'être considérée par Bruxelles comme une aide d'Etat le jour où le monopole de la SNCF sautera, comme ce fut le cas pour La Poste en 2010. C'est pourquoi les Sages de la rue Cambon préconisent de transformer ce statut d'Epic en société anonyme, avant l'ouverture à la concurrence.

Sur ce point, TDIE relève que les candidats Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen s'opposent à l'ouverture à la concurrence prévue par le 4e paquet ferroviaire européen. De son côté, le socialiste Benoît Hamon est pour une loi d'expérimentation sur la concurrence garante du cadre social des cheminots. Au-delà d'une simple expérimentation, François Fillon et Emmanuel Macron optent pour une ouverture rapide à la concurrence en début de mandat, avec une loi globale. Le premier met fin au recrutement sous statut, tandis que le second rend ces recrutements hors-statut possibles pour la SNCF.

Enfin, concernant une hypothétique reprise par l'Etat de la dette de SNCF Réseau, Marine Le Pen souhaite un audit. Pour sa part, Emmanuel Macron préconise une consultation du parlement et des acteurs publics et privés du secteur, afin de définir le meilleur scénario financier et industriel pour le groupe SNCF, en lien avec les finances publiques. Benoît Hamon évoque une nécessaire reprise de l'équivalent de cette dette historique - et des intérêts liés - pesant beaucoup trop lourdement sur l'économie du système ferroviaire dans son ensemble, "au point de porter préjudice à son fonctionnement et sa pérennité". Le candidat socialiste estime que des gains de productivité sont possibles en interne, sans recourir à la concurrence. Et recommande un certain nombre de réformes à partir de constats précis : frais de structure trop élevés, marchés de prestations monopolistiques, etc. Quant à Jean-Luc Mélenchon, il envisage une reprise de la dette sur plusieurs quinquennats sans en préciser la méthode.

Révolution numérique et nouvelles mobilités

Les candidats ont également été interrogés que la révolution numérique, qui bouleverse en profondeur l'économie du transport. Si Jean-Luc Mélenchon se positionne contre le développement des véhicules autonomes, les autres candidats appellent l'Etat à jouer un rôle d'accompagnateur et de régulateur des nouveaux usages comme de la gouvernance du nouvel environnement où stratégies publiques et privées sont indissociables, note TDIE.

Concernant la libéralisation du transport de voyageurs par autocars (les "cars Macron") dont il est à l'origine, seul l'ancien ministre de l'Economie se réjouit. Tous les autres candidats interrogés sur ce point et ayant répondu à la question comptent revenir sur cette réforme, sans davantage de précision. François Fillon n'aborde pas le sujet. Benoît Hamon se montre le plus précis, et explique que cette ouverture à la concurrence pour les liaisons de plus de 100 kilomètres, ne s'inscrit pas, selon lui, "dans uns stratégie de report modal vers des modes de transport plus propres". De plus, il met en garde contre une potentielle atteinte à l'équilibre économique de services ferroviaires de longue distance. Aussi estime-t-il judicieux que l'Etat, en tant qu'actionnaire unique du groupe ferroviaire public, interdise à SNCF Mobilités et ses filiales de rentrer directement en concurrence avec les services ferroviaires, "quitte à proposer, à due proportion, des places à tarifs aussi avantageux dans ses trains".
En outre, Benoît Hamon souhaite un Grenelle des nouvelles mobilités.

Pour rappel, le chiffre d'affaires des autocaristes a atteint 83,2 millions d'euros sur l'ensemble de l'année 2016 d'après l'Arafer,  le régulateur du rail et de la route. Sur ce marché concentré depuis le troisième trimestre de l'année 2016, les chiffres de l'Arafer permettent désormais de distinguer les membres du trio de tête. FlixBus se détache ainsi comme numéro un devant Ouibus, la filiale de la SNCF, et Eurolines-Isilines, les filiales de Transdev. Ce dernier a récemment saisi l'Autorité de la concurrence à l'encontre de la SNCF, pour abus de position dominante de sa filiale Ouibus. Et a demandé des mesures conservatoires afin que le groupe public ne puisse plus recapitaliser Ouibus. Et pour cause : les trois opérateurs font la course à la rentabilité, Flixbus en tête. Du moins l'allemand se dit confiant, avec l'optique de devenir rentable en 2018, au plus tard, en tout cas avant Ouibus. La filiale de la SNCF, qui afficherait 30 millions d'euros de pertes, vise pour sa part l'équilibre de ses comptes à l'horizon 2019.

Enjeux environnementaux

Par ailleurs, les candidats ont montré une grande attention sur la question de la décarbonation, "mais leurs réponses confirment que cette question reste un des plus grands défis pour la communauté des acteurs de l'économie des transports", note TDIE. Que ce soit en matière de santé publique à court terme, ou de réchauffement climatique à plus long terme, la diversité des réponses des candidats montre que malgré la tenue du débat national sur la transition énergétique et l'intégration dans la stratégie nationale bas-carbone d'un volet transport, il n'y a pas aujourd'hui de vision partagée, ni sur le devenir de nos transports ni sur les leviers à employer pour atteindre une société neutre en carbone dans la deuxième partie de ce siècle, relève le think tank. Le groupe de réflexion précise en outre qu'aucun candidat ne donne d'indication sur le coût des mesures destinées à réduire les émissions de gaz à effet de serre dans les transports, ni ne donne de priorité en fonction du coût de la tonne de Co2 "évitée".

La "non-création" d'un ministère dédié aux Transports

Quant à la création d'un ministère des Mobilités en lieu et place d'un secrétariat d'Etat en charge des Transports, pour laquelle milite TDIE depuis sa création, rien ne semble poindre à l'horizon déplore TDIE. Aucun candidat ne semble vouloir faire de cette mesure une priorité. Du moins aucune proposition ne ressort-elle en ce sens, mis à part le fait d'annoncer vouloir remonter les transports dans les départements ministériels, sans toutefois préciser ce que cela signifie concrètement. "Certains veulent lier les Transports à l'aménagement du territoire, d'autres au logement ou à l'environnement, comme actuellement. Mais l'idée d'un Ministère comme en Allemagne n'est pas dans tous les esprits", conclut Philippe Duron. Pourtant, celui-ci rappelle que "la mobilité est un besoin, un bien de première nécessité pour chacun d'entre nous". D'où l'intérêt, aux yeux du think tank, de revenir à une TVA de 5,5%. Sur ce point trois candidats s'accordent : il s'agit de François Fillon, Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon. En revanche Marine Le Pen s'y oppose "au nom de la stabilité et de la continuité, au service des acteurs privés", tandis qu'Emmanuel Macron justifie le maintien d'une TVA à 10% par l'utilité de telles recettes pour l'Etat.