Coronavirus : l'éolien face à des vents contraires

Par Jérôme Marin  |   |  605  mots
En France, comme dans de nombreux pays, tous les chantiers de parcs éoliens sont à l'arrêt. Le nombre d'installations ne devraient ainsi pas être aussi élevé qu'espéré cette année.

Si les éoliennes continuent de tourner en France, la filière tourne, elle, au ralenti. En raison de la propagation de l'épidémie de coronavirus, et du confinement décidé par le gouvernement,  les démarches administratives sont perturbées, les études environnementales annulées, les raccordement au réseau repoussés et les usines des fabricants fermées... "Tous les chantiers sont à l'arrêt", souligne Pauline Le Bertre, déléguée générale de France Energie Éolienne (FEE).

Pour le secteur éolien, l'objectif est désormais de préparer la sortie de crise pour reprendre au plus vite l'installation de nouveaux mâts. "Un certain nombre d'aménagements seront nécessaires pour ne pas reperdre du temps", selon Pauline Le Bertre, qui assure que le gouvernement se montre "très volontaire". Deux mesures ont déjà été prises: la prolongation des délais pour la mise en service des parcs en construction et la scission en deux du prochain appel d'offres pour l'éolien terrestre, reporté pour deux-tiers de juillet à novembre.

"2020 aurait dû être une année record"

Alors que le confinement pourrait encore perdurer au-delà de la période de quatre semaines déjà entérinée, la filière pourra-t-elle rattraper le temps perdu d'ici à la fin de l'année ? "Il est encore trop tôt pour le dire", estime la responsable de FEE, qui représente 300 acteurs du secteur. D'éventuels retards tomberaient mal, au moment où la filière doit "accélérer": pour atteindre les objectifs fixés par la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), elle doit en effet raccorder en moyenne 2.000 mégawatts par an jusqu'en 2028, contre environ 1.500 mégawatts l'an dernier.

Au niveau mondial, l'année s'annonce également très incertaine. "L'impact du coronavirus sur les installations éoliennes restent encore inconnu", reconnaît le Conseil mondial de l'énergie éolienne (GWEC), dans son rapport annuel publié fin mars. Celui-ci se montrait jusque-là très optimiste. "2020 aurait dû être une année record", rappelle-t-il, alors qu'il anticipait le raccordement de 76 gigawatts de nouvelles capacités éoliennes, soit 27% de plus que les 60 gigawatts installés en 2019. De nouvelles prévisions seront publiées avant l'été.

Appels d'offres annulés ?

Le cabinet Wood McKenzie, lui, a déjà ajusté ses projections. Il ne prédit plus que l'ajout de 73 gigawatts en 2020, soit 4,9 gigawatts de moins que précédemment. L'impact en volume sera le plus "significatif en Chine et aux Etats-Unis où des livraisons record étaient attendues", avance Dan Shreve, directeur de la recherche sur l'énergie éolienne. En pourcentage, la France, l'Espagne et l'Italie "pourraient être touchées encore plus fortement en raison des mesures drastiques de confinement", ajoute-t-il. En plus des chantiers, ces restrictions se répercutent aussi sur la chaîne d'approvisionnement, ce qui pourrait se traduire par des délais supplémentaires.

A long terme, les effets du coronavirus pourraient être "limités si les pays occidentaux peuvent contenir l'épidémie dans des délais similaires à ceux constatés en Chine et en Corée du sud", anticipe le spécialiste. Mais un risque majeur perdure: "de potentiels retards ou des annulations d'appels d'offre", qui impacterait durablement la croissance de l'éolien. Se posera notamment la question du financement des énergies renouvelables pour les gouvernements, dans un contexte notamment de relance économique et de forts déficits publics. "L'énergie éolienne est très compétitive, très proche des prix du marché, rétorque Pauline Le Bertre. Il n'y a pas à crainte une remise en cause des énergies renouvelables".

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