Tiny House : garde-manger, douche à recyclage, toilettes sèches, zéro wifi... bienvenue dans la maison low-tech

Par Ivan Capecchi  |   |  1619  mots
En mettant la main à la pâte, le coût de construction de la maison s'est élevé à 35.000 euros, dont 3.500 euros ont été réservés à la fabrication des douze low-tech. (Crédits : Low-tech Lab)
Pendant dix mois, Clément Chabot et Pierre-Alain Lévêque, deux ingénieurs de formation, ont vécu, en alternance, dans une petite maison équipée de douze low-tech. L'objectif de la démarche ? Prouver que ces technologies de la débrouille sont adaptées à notre mode de vie occidental et permettent, sans perdre en confort, d’adopter un comportement plus écologique.

C'est une petite maison dans la prairie, plantée au milieu d'un champ à Concarneau, en Bretagne. Ici, vous ne trouverez pas trois fillettes en train de dévaler une colline verdoyante, les nattes au vent, sous les regards attendris de Charles et Caroline Ingalls. Cette « tiny house » est, en réalité, un laboratoire des low-tech, ces technologies douces qui doivent répondre à un triple objectif de durabilité, d'accessibilité et d'utilité.

Pendant un peu moins d'un an, Clément Chabot et Pierre-Alain Lévêque, deux ingénieurs de formation âgés de la trentaine, ont vécu, en alternance, dans ce micro-habitat coupé de tout réseau: eau, électricité et assainissement. Durant leur séjour, ils ont pu tester, à l'épreuve du réel, douze low-tech. « L'idée, prévient Clément Chabot, ça n'était pas de revenir à la bougie. » L'objectif, derrière cette expérimentation, était plutôt de prouver que ces technologies de la débrouille sont adaptées à notre mode de vie occidental et qu'elles permettent, sans perdre en confort, d'adopter un comportement plus écologique.

Douze low-tech passées au peigne fin

Le projet a été porté par le Low-tech Lab, un programme de recherche et de documentation open-source visant à valoriser ces technologies douces. Le choix de l'habitat comme environnement test n'est pas anodin. Le secteur du résidentiel-tertiaire hors transport représente, au niveau national, la deuxième source d'émissions de gaz à effet de serre (*). Par ailleurs, la précarité énergétique touche près de 7 millions de Français (**). « L'expérience que nous avons menée montre qu'il y a des moyens de vivre mieux en dépensant beaucoup moins », se réjouit Clément Chabot.

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Toilettes sèches, récupérateur d'eau, chauffe-eau solaire... Parmi les douze low-tech passées à la moulinette, il y a eu des réussites... et des échecs. « Le gros point de déception a concerné l'eau, explique Clément Chabot. En moyenne, en France, 143 litres d'eau sont consommés par jour et par personne dans la maison. On voulait trouver un moyen de réduire ce chiffre. » L'équipe de cobayes opte alors sur un système de douche à recyclage permettant, le temps de la toilette, de rester sur un même volume d'eau.

Seulement voilà: nos deux acolytes s'aperçoivent finalement que recycler de l'eau souillée coûte cher, autant d'un point de vue écologique qu'économique. « Ce qui est important dans notre démarche, c'est de regarder le cycle global d'un produit. Dans le cas présent, ça ne correspondait pas aux critères qu'on s'était fixés au préalable », tranche Clément Chabot.

[Toilettes sèches, récupérateur d'eau, chauffe-eau solaire... Parmi les douze low-tech passées à la moulinette, il y a eu des réussites... et des échecs. Crédits : Low-tech Lab]

Le chauffage, ce « monstre » énergivore

Autre problématique de taille: produire sa propre électricité. Un domaine pour lequel la low-tech atteint ses limites, car il n'existe pas, actuellement, de solution satisfaisante, tant d'un point de vue écologique qu'économique. Pour autant, la philosophie low-tech offre une parade: plutôt que de produire de l'électricité, l'objectif est d'en réduire son usage, sans rogner sur son confort personnel. Et la marge de manœuvre est importante. En effet, seule une petite partie de la consommation d'énergie d'une maison peut n'être satisfaite qu'avec de l'électricité (pour la lumière, les ordinateurs, etc.). Le plus gros enjeu réside, en fait, dans la production de chaleur.

« Le chauffage, rappelle l'ingénieur, est le plus gros poste de consommation d'énergie dans l'habitat. » Pour canaliser ce « monstre », Clément Chabot et Pierre-Alain Lévêque ont notamment eu recours au capteur à air chaud. « Le capteur à air chaud est l'une des low-tech les plus abouties que nous connaissions », s'enthousiasment-ils dans leur rapport, rendu public début février. Ce système, qui consiste notamment à placer un corps noir derrière une vitre pour produire le maximum de chaleur dès qu'un rayon de soleil se présente, fait clairement partie des plus belles réussites de l'expérience.

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Autre succès: la phytoépuration, une version low-tech d'un système d'assainissement des eaux usées qui recourt, notamment, à des bactéries pour dégrader les particules organiques et ainsi les rendre assimilables par le milieu naturel. Sa spécificité: utiliser des plantes pour stimuler l'activité bactérienne, là où un système traditionnel mécanise le processus.

[Le système low-tech de phytoépuration est disposé dans le jardin de la tiny house. Crédits : Low-tech Lab]

Débrancher le frigo

Au rang des bonnes trouvailles, figure aussi le garde-manger, cette méthode de conservation autrefois très répandue, notamment dans les campagnes, et qui a connu un déclin à l'arrivée des réfrigérateurs. « Le frigo, rappelle Clément Chabot, fait partie des gros postes de consommation d'énergie dans une maison, car il tourne toute la journée. » Par ailleurs, il est loin d'être le système de conservation des aliments le plus efficace. « Conserver n'est pas synonyme de faire du froid », rappellent, à cet égard, les ingénieurs dans leur rapport. « Mettre des fruits et des légumes dans le froid revient à les tuer », illustre par exemple Clément Chabot.

Durant leur expérience, les deux amis ont donc créé un meuble respectant différentes ambiances de conservation, pour différents types d'aliments. Dans un tiroir sec, aéré, à la lumière, ils ont rangé leurs abricots, aubergines et autres avocats. Les pommes de terre, oignons ou encore courges étaient quant à eux conservés dans un tiroir doublé de toile de jute pour les abriter de la lumière. Enfin, un caisson en bois, suspendu à la façade extérieure de la maison, permettait de recréer une ambiance fraîche et humide. « Pendant l'été, on n'a pas pu se passer de frigo », admet toutefois Clément Chabot, pointant, par la même occasion, tout l'objectif de la démarche low-tech. L'idée n'est pas de se passer entièrement des méthodes traditionnelles, mais plutôt de les coupler avec des techniques plus novatrices et moins énergivores.

[Pour conserver leurs aliments dans une ambiance fraîche et humide, Clément et Pierre-Alain ont suspendu un garde-manger à la façade de la maison. Crédits : Low-tech Lab]

Tour de France

Au final, en n'utilisant qu'une bouteille et demi de gaz, ainsi qu'une machine à laver à l'extérieur de la maison low-tech, la facture énergétique de Clément Chabot et Pierre-Alain Levêque s'est élevée, au terme des dix mois d'expérience, à une centaine d'euros. À titre de comparaison, les Français payaient, en moyenne, 960 euros d'électricité par an, selon des données de l'Insee datant de 2016.

Leur projet ne s'arrête pas là. Posée sur un chassis de remorque, la maison va désormais voyager dans toute la France, et faire étape dans au moins six grandes villes. « L'idée est de donner envie au grand public de sauter le pas, mais aussi de rencontrer des professionnels pour comprendre les besoins et les freins qu'ils rencontrent, afin de les lever ensemble », détaille Clément Chabot. La première escale devrait être à Rennes, en septembre prochain.

(*) Données issues du rapport Secten 2018 du Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique (Citepa).

(**) Chiffre tiré d'un rapport de l'Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE), publié en novembre 2018.

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ZOOM

Low-tech : suivez le guide

Depuis sa création en 2013, le Low-tech Lab effectue un travail de documentation des low-tech. « L'objectif, explique Clément Chabot, est de partager des démarches et des savoir-faire, pour que chacun puisse les intégrer et mieux vivre ». Jusqu'à présent, une centaine de ces technologies ont été répertoriées. « On arrive à balayer une bonne partie des usages, applicables dans plein de contextes différents », se félicite-t-il. Difficulté, coût et durée de fabrication, tutoriel pas à pas... Toutes les informations nécessaires à la réalisation des low-tech sont réunies dans des fiches techniques, disponibles gratuitement sur le wiki du Low-tech Lab. Ce travail étant collaboratif, chacun peut apporter sa pierre à l'édifice. À noter que le site du Low-tech Lab est actuellement en refonte, là encore pour coller au plus près à la philosophie prônée par l'association. « La démarche low-tech s'applique aussi au numérique, qui a aujourd'hui un énorme impact écologique, développe Clément Chabot. On essaie d'avoir un site qui soit le plus léger possible ».

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ENCADRÉ

Et si vous sautiez le pas ?

Sourcer, documenter et diffuser les low-tech sur le web, c'est bien, mais comment passer au concret ? En 2019, le Low-tech Lab a ouvert sa première antenne locale à Grenoble. Cette année, l'association devrait en ouvrir une seconde, à Boulogne-Billancourt, en région parisienne. Ces relais locaux ont trois objectifs. Le premier est de fédérer les gens intéressés par le sujet des low-tech. Le second, de les accompagner dans leurs démarches pour les aider à sauter le pas, notamment en bénéficiant de conseils techniques. Enfin, de faire découvrir la philosophie low-tech à l'échelle de leur région. « L'objectif, à plus long terme, est d'avoir un maillage mondial de Low-tech Lab », explique Solène Rennuit, responsable communication de l'association. D'ici là, si vous souhaitez obtenir plus d'informations concernant ces antennes locales, vous pouvez écrire à l'adresse suivante : hello@lowtechlab.org.