Le commerce équitable peine à entrer dans l'âge de raison

La notoriété s'envole mais les ventes restent modestes. Une commission nationale a été créée pour accorder une reconnaissance officielle aux différents labels. les acteurs continuent cependant de s'opposer sur plusieurs points.

La Quinzaine du commerce équitable s'achève dimanche. Pour sa dixième édition, les médias se sont arraché les figures de proue du mouvement, à commencer par le fondateur d'Alter Eco, Tristan Lecomte, tout auréolé de sa récente nomination, par le magazine américain « Time », parmi les 100 personnes les plus influentes au monde.

De quoi réjouir les tenants de cette forme de commerce née dans les années 1960, avec pour vocation la lutte contre la pauvreté des petits producteurs agricoles des pays du Sud via leur intégration dans les circuits économiques. Le commerce équitable repose ainsi sur des prix garantis, le pré-financement des récoltes et des primes de développement destinées à financer des projets utiles à la collectivité.

En croissance constante (+ 13 % entre 2008 et 2009) les ventes restent modestes, à 287 millions d'euros. Le café équitable, produit phare du segment, ne dépasse pas 5 % de part de marché. Certes, 95 % des Français connaissent le terme de commerce équitable. Mais face à la prolifération de labels, bio, éthique, équitable, solidaire, auxquels ils font de moins en moins confiance, ils regrettent un manque de lisibilité de l'offre.

50 % des produits labellisés bio

Restaurer cette confiance en accordant aux labels du commerce équitable une reconnaissance officielle, c'est précisément l'objectif de la Commission nationale du commerce équitable (CNCE), prévue par une loi de 2005 et finalement créée le 22 avril dernier. Mais d'aucuns accusent d'ores et déjà le référentiel de la CNCE de s'inspirer trop largement des pratiques de Max Havelaar. à leurs yeux, le précurseur, dont le label figure sur 95 % des produits du commerce équitable vendus en France, ne serait pas assez exigeant, notamment sur le plan environnemental. Les producteurs sélectionnés sont tenus à de bonnes pratiques, mais seuls 50 % des produits sont labellisés bio. « Pour certains produits, cela peut créer une vraie valeur ajoutée d'être à la fois équitables et bio, reconnaît Joaquin Muñoz, directeur général de Max Havelaar France. Mais pour d'autres, cela représente des exigences trop élevées. »

Chez Alter Eco, en revanche, 95  % des produits (tous labellisés Max Havelaar) sont bio. Et indiquent leur « teneur en carbone », notamment liée au transport. De son côté, l'organisme de certification bio Ecocert vient de créer le label ESR alliant commerce équitable et qualité biologique.

Autres pommes de discorde dans ce petit monde du commerce équitable : la collaboration avec des grandes plantations en plus des coopératives de petits producteurs, ou encore le rôle de la grande distribution. Cette dernière a largement contribué à faire décoller les ventes, dont elle représente aujourd'hui 90 %. Dont 26 % de marques distributeurs, plus accessibles que les produits des marques nationales ou des spécialistes. Or le prix, plus encore en cette période de crise, constitue le principal frein à l'essor du commerce équitable. « Nous recherchons les meilleures filières et optimisons notre logistique pour maintenir les prix bas, témoigne Yannick Migotto, responsable des achats alimentaires pour le groupe Casino. Et nous abaissons notre marge sur les gammes naissantes que nous souhaitons soutenir. »

Mais la grande distribution se voit régulièrement reprocher de tirer les exigences du commerce équitable vers le bas, notamment sur le plan de la rémunération des petits producteurs. Une enquête européenne rendue publique mercredi conclut aussi que les chaînes de supermarchés se préoccupent insuffisamment des conditions de travail en vigueur dans les pays en voie de développement où ils s'approvisionnent. Pendant ce temps, à l'heure où l'agriculture française est en crise et où le « consommer local » séduit, Alter Eco prévoit un nouveau label destiné non pas aux producteurs du Sud... mais aux français ! Le commerce équitable n'a pas dit son dernier mot. n

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