Les travailleurs britanniques haussent le ton

Malgré la tempête de neige qui a fait tourner la Grande-Bretagne au ralenti hier, quelques milliers de salariés ont lancé des grèves sauvages à travers le pays. Dans quelques raffineries, ainsi que deux centrales nucléaires, les manifestants ont bravé les vents glacés avec une revendication centrale : « des emplois britanniques pour les salariés britanniques ».La crise s'est cristallisée autour d'une raffinerie de Total, située à Lindsey, dans le nord de l'Angleterre. Pour augmenter ses capacités de raffinage, l'entreprise française a passé un contrat en 2006 auprès de Jacobs, une multinationale américaine. Récemment, cette dernière a sous-traité une partie du travail à l'italien Irem, qui a l'intention de faire venir plusieurs centaines de travailleurs italiens sur le chantier. Cela a provoqué une explosion de colère auprès des locaux, qui estiment subir une concurrence déloyale, alors que la récession provoque une forte poussée du chômage. Faux, répond Total. La raffinerie française affirme qu'aucun emploi actuel ne sera perdu avec la sous-traitance à Irem, et qu'entre 600 et 1.000 emplois, suivant les périodes, ont été créés depuis dix-huit mois pour ces travaux. Surtout, insiste-t-elle, toutes les lois européennes ont été respectées, et les entreprises de toute l'Union européenne ont le droit de répondre à des appels d'offres.un changement soudainMais le cas de Lindsey s'est répandu comme une traînée de poudre. Par solidarité, les salariés de plusieurs autres raffineries ont débrayé. S'ils ne sont que quelques centaines dans chaque lieu, les manifestants créent l'événement outre-Manche. D'une part, parce qu'il s'agit techniquement de mouvements illégaux : la grève par solidarité envers une autre entreprise est interdite. D'autre part, ces arrêts de travail représentent un soudain changement de ton envers les travailleurs étrangers.Jusqu'à récemment, il était courant d'avoir près de chez soi un médecin nigérian, une infirmière philippine et des serveurs de restaurant français. De même, la City est un melting-pot exemplaire. Depuis l'élargissement de l'Union européenne en 2004, l'arrivée massive d'un million de travailleurs, essentiellement de Pologne, s'est passée sans trop d'accrocs.Mais la crise change la donne. Dès l'an dernier, Gordon Brown avait senti le vent tourner en promettant des « emplois britanniques pour travailleurs britanniques ». « C'était une déclaration purement politique, alors que lui et Tony Blair symbolisent le libre-échange, précise Kathleen Walker Shaw, du syndicat GMB. Mais aujourd'hui, les salariés le prennent au mot. »Elle ajoute que les règles européennes sont beaucoup trop déséquilibrées, permettant trop facilement aux entreprises étrangères d'imposer des conditions inférieures aux accords de branche. Mais, dans le cas de la raffinerie de Lindsey, Total précise que les Italiens sont embauchés aux conditions prévues par le secteur.Le paradoxe de ces manifestations britanniques est qu'elles viennent du pays le plus ouvert d'Europe. Lorsque la crise du crédit a commencé, le premier réflexe de Gordon Brown a été d'insister pour éviter tout protectionnisme. « Le risque est que la mondialisation perde sa légitimit頻, prévenait-il récemment à destination des autres pays. Il n'imaginait sans doute pas que le repli identitaire viendrait de son propre pays.
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