Les paradis fiscaux drainent l'argent du Sud

De la Suisse aux îles Vierges britanniques en passant par Singapour, les paradis fiscaux sont de nouveau sur la sellette. Plusieurs scandales ? qu'il s'agisse des milliards d'euros cachés dans des fondations au Liechtenstein ou des tracas d'UBS avec la justice américaine ? ont rappelé que les sommes en jeu sont colossales. Après une décennie de laisser-faire, l'Europe et les États-Unis affichent à nouveau leur volonté de mettre sous cloche ces paradis de l'évasion fiscale. La question sera notamment débattue lors du G20 de Londres le 2 avril où les chefs d'État tenteront de jeter les bases d'une refondation du capitalisme mondial.La fuite des capitaux vers les paradis fiscaux n'est pas un problème circonscrit aux pays riches. Le directeur du département sur les politiques fiscales de l'OCDE, Jeffrey Owens, souligne ainsi que « les paradis fiscaux ont un impact beaucoup plus important sur les pays en développement que sur les pays développés ». Les places offshore « drainent des volumes considérables de revenus des pays en développement, l'équivalent de 7 à 8 points de PIB du continent africain ». Des montants très supérieurs à l'aide au développement que les pays riches accordent à l'Afrique.Deux nouvelles études permettent de prendre la mesure du problème. La première, réalisée par deux chercheurs de l'université canadienne de Massachusetts Amherst, Léonce Ndikumana et James K. Boyce, évalue à 420 milliards de dollars le montant des capitaux ayant fui l'Afrique entre  1970 et 2004. Compte tenu des intérêts générés, plus de 600 milliards de dollars dorment sur des comptes étrangers. Ce chiffre très supérieur à la dette du continent (398 milliards de dollars en 2004) signifie que l'Afrique est « créditeur net » à l'égard du reste du monde. Pour certains pays, comme l'Angola, la Côte d'Ivoire ou le Nigeria, les sommes qui ont quitté le pays représentent même plus de quatre fois la dette extérieure.Manipulation des prix Global Financial Integrity, un think tank américain, a, pour sa part, évalué l'ensemble des flux financiers qui quittent illicitement les pays en développement. Ces flux englobent les revenus générés par des activités illégales comme la corruption, les détournements de fonds publics ou les activités criminelles. Mais ils incluent aussi et surtout les pratiques consistant à manipuler les prix des importations et des exportations.Une méthode fréquemment utilisée pour sortir des capitaux d'un pays consiste à gonfler artificiellement le prix des importations ou au contraire à exporter des marchandises produites localement à des prix bradés. L'économiste Simon Pak (Pensylvania University) a ainsi montré que le Ghana avait importé des États-Unis des pneus de voiture à 3.360 dollars pièce et exporté des diamants bruts à 35 dollars le carat alors que le prix international était alors de 1.360 dollars ! Ces opérations ont provoqué des sorties de capitaux du Ghana évaluée à 830 millions de dollars sur la période 1996-2005. Pour l'ensemble du continent, les sorties de capitaux vers les États-Unis atteindraient 31,1 milliards de dollars, les pertes liées à la surévaluation des importations (14,6 milliards de dollars) approchant la sous-évaluation du prix des exportations (16,5 milliards). Par construction, les flux illicites n'apparaissent pas dans les statistiques officielles mais plusieurs modèles économétriques, certains développés par la Banque mondiale et le FMI, permettent de les appréhender. En combinant ces différents modèles sur la période 2002-2006, Global Financial Integrity estime qu'entre 850 milliards et 1.000 milliards de dollars sont illégalement sortis des pays en développement en 2006. Un chiffre en constante progression puisqu'il augmente de 18 % l'an sur la période examinée. L'Asie, en raison notamment du poids de la Chine dans le commerce international, concentre la moitié de ces flux financiers illicites.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.