La Chine lance la guerre monétaire

Il y a des battements d'aile de papillon qui déclenchent des tornades. La dévaluation du yuan intervenue depuis quarante-huit heures face au dollar pourrait sembler n'être que l'épaisseur du trait. Pourtant, tout mouvement sur la devise chinoise est un signal politique, parce que le change de cette monnaie non convertible est étroitement contrôlé par l'État. Cette dévaluation surprise rompt avec trois ans d'une appréciation graduelle qui avait vu le cours du yuan progresser de 25 % face au billet vert, témoignage de la bonne volonté de Pékin face aux cris de ses partenaires. La Chine est en passe de devenir le premier exportateur mondial devant l'Allemagne, et elle dégage plus de 200 milliards d'excédents commerciaux avec son premier partenaire commercial, les États-Unis.Ce signal révèle d'abord la gravité du ralentissement chinois, que Pékin souhaiterait contrer avec la relance de ses exportations. Il y a trois jours, le président Hu Jintao, s'exprimant devant les cadres dirigeants du Parti communiste, s'alarmait de voir la compétitivité de la Chine entamée. On comprend aujourd'hui que ses propos étaient destinés à préparer les esprits. Hausse des salaires et ralentissement de la demande internationale se conjuguent pour mettre sous pression les exportations, qui ont vu leur contribution à la croissance chuter de 25 % à près de zéro. Dans le même temps, l'activité intérieure du pays montre aussi des signes de faiblesse, avec la chute de l'investissement et un krach immobilier qui débute. Or, pour préserver la stabilité sociale du pays et créer les emplois destinés à occuper les quelque 15 millions d'immigrés intérieurs venant des campagnes, il faut une croissance forte. C'est dire si Pékin est aux abois. Il y a bien sûr un plan de relance dans les tuyaux ? de près de 600 milliards de dollars ? mais il faudra du temps pour qu'il produise ses effets.« chacun pour soi »La dévaluation inattendue révèle également les limites de la volonté de coopération internationale de Pékin. Il y a trois semaines encore, la sagesse des Chinois était célébrée par tous, lors du G20. Entre-temps, le ralentissement économique s'est fait beaucoup plus brutal. Il demande des solutions immédiates qui s'accommodent mal de l'esprit de responsabilité. Les dirigeants communistes semblent aujourd'hui avoir adopté le bon vieux « chacun pour soi ». Une attitude d'autant plus surprenante que lors de la crise asiatique, en 1997-1998, la Chine avait refusé d'entrer dans le cercle vicieux des dévaluations compétitives, alors que toutes les monnaies de la région dégringolaient. Il est vrai que le pays avait considérablement dévalué trois ans auparavant, en 1994, et que le ralentissement dû à la crise asiatique était beaucoup moins prononcé en Chine que celui qui se profile aujourd'hui.Les jours prochains donneront la mesure de la tentation chinoise. Le secrétaire au Trésor américain, Henry Paulson, qui rencontre son homologue chinois demain, essaiera probablement de la borner. S'il n'y parvenait pas, la Chine donnerait des idées à d'autres, et c'est un cycle de dévaluations qui s'ouvrirait avec son cortège de mesures protectionnistes. Le commerce mondial et la croissance de la planète pourraient en souffrir considérablement.
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