Le nationalisme, béquille d'un régime sans repères politiques

Au lendemain du massacre des étudiants pacifiques de la place Tiananmen, en 1989, les sinologues étaient nombreux à prédire la fin prochaine du régime marxiste-léniniste ossifié de Pékin, dont l'image et la légitimité avaient été ruinées. Deux décennies plus tard, le Parti communiste chinois (PCC) tient plus que jamais serrées dans ses mains les rênes du pays. Comment a-t-il pu se maintenir au pouvoir, alors que l'idéologie dont il se réclame est tous les jours démentie par sa politique économique et sociale digne du capitalisme du XIXe siècle?? Anne-Marie Brady, chercheuse à l'université de Canterburry, livre quelques clés dans « Marketing Dictatorship ». Avec la fin de la mobilisation maoïste, le PCC a joué sa survie non seulement sur l'éradication de la pauvreté, mais aussi sur le contrôle des médias et la propagande afin d'orienter l'opinion de la population et de reconstruire un consensus national, explique la chercheuse. En somme, faire vibrer la fibre nationaliste pour panser les plaies d'une société méfiante à l'égard du pouvoir et vouée à une logique de survie individuelle.C'est ainsi qu'un désastre naturel comme le tremblement de terre dans le Sichuan est transformé par le régime en un moment quasi religieux de solidarité nationale, mettant en scène le président Hu Jintao dans le rôle du sauveur, explique la chercheuse. Même exploitation médiatique lors des Jeux olympiques, ou, dans un autre domaine, lors du bombardement de l'ambassade de Chine à Belgrade en 1999 par les avions américains.DiabolisationDe même, Pékin n'hésite pas à diaboliser de façon récurrente les États-Unis, le dalaï-lama, chef spirituel tibétain qu'il accuse de séparatisme, ou Taiwan, pour la même raison. Tout à son désir de jouer sur le sentiment patriotique, le gouvernement frôle l'incohérence, estime l'intellectuel Xu Youyu, philosophe à l'Académie chinoise des sciences sociales à Pékin dans le journal hongkongais « South China Morning Post ». Ainsi, Pékin encense le caractère patriotique de la marche des étudiants du 4 mai 1919, qui avait ouvert la voie à la fondation du PCC. Or, ces étudiants réclamaient la « démocratie et la science ».Pour orchestrer sa propagande, le régime ne recule pas devant la censure. À l'approche du vingtième anniversaire du massacre de Tiananmen, plusieurs médias internationaux, dont le « Financial Times », la BBC, CNN ou TV5, en ont fait les frais. L. C.
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