Le rôle du dépositaire fait aussi débat sur la place de Paris

Dans une lettre adressée à Charlie McCreevy, commissaire européen au Marché intérieur, Christine Lagarde, ministre de l'Économie, de l'Industrie et de l'Emploi, se plaignait que certains États membres de l'Union européenne n'imposent qu'une responsabilité limitée aux banques de dépôts. Cette missive visait, en filigrane, la place du Luxembourg mise en cause dans l'affaire Madoff. En réponse, les autorités luxembourgeoises ont rappelé à leurs homologues français que le grand-duché était, comme la France, en conformité avec la directive européenne 85/611/CEE. La question de la responsabilité du dépositaire s'est posée avec la révélation de l'affaire Madoff. Les détenteurs de parts de fonds Madoff, notamment de droits luxembourgeois et irlandais, se sont retournés vers les dépositaires des fonds pour récupérer leurs actifs. Malheureusement pour eux, ils n'avaient pas les titres et n'ont pu les rendre.Pourtant, les dépositaires ont pour mission la conservation et la protection des actifs du fonds et la sur- veillance de l'activité de la société de gestion. Et si la France se permet de donner des leçons à ses voisins, c'est parce que sa réglementation sur cette question est très claire : les dépositaires ont l'obligation de restituer les actifs. Les sociétés de gestion et leurs clients peuvent a priori dormir tranquilles. Reste que, avant de donner des leçons, les autorités françaises devraient balayer devant leur porte. À la suite de la faillite de Lehman Brothers (LB) en septembre dernier, la mécanique réglementaire semble s'être enrayée.la tension monteQuatre sociétés de gestion alternatives françaises qui avaient pour prime broker (prestataires de services d'investissement) la banque américaine, et des actifs ségrégés déposés au nom de leurs clients chez elle, ont tout naturellement demandé à RBC Dexia Investor (RDIS) Services pour trois d'entre elles, et à Société Générale Securities Services (SGSS) pour l'autre, de leur restituer ces titres, comme l'impose la loi. Surprises, elles se sont vu signifier une fin de non-recevoir. Cela est d'autant plus étrange que les responsables de ces deux structures se sont exprimés sur le sujet en reconnaissant leur responsabilité. Face à ce refus de l'assumer et d'aller contre la loi, le dossier a atterri sur le bureau de l'Autorité des marchés financiers (AMF). Le régulateur a, à son tour, demandé aux dépositaires de rendre les actifs. Même réponse qu'aux sociétés de gestion. La tension est donc montée d'un cran. En effet, l'AMF a fait injonction à RDIS et SGSS sur le principe de responsabilité de restituer les titres et sur le montant des actifs gelés chez LB. Sans se démonter, ils ont fait appel de cette injonction qui sera jugée le 18 février 2009 devant la cour d'appel de Paris. Pour quelle raison s'entêtent-ils ? Aucune des deux maisons n'a souhaité faire de commentaires.Pour promouvoir la gestion alternative directe en France, l'AMF a créé en 2005 les fonds contractuels et les fonds à règles d'investissement allégés et à effet de levier (ARIA EL). Le tout dans un cadre réglementé et sécurisé pour les investisseurs. Ainsi, pour commercialiser et gérer un fonds ARIA EL, il faut un agrément accordé par l'AMF sous réserve que le fonds possède un dépositaire français et un valorisateur indépendant de la société de gestion et du dépositaire. Pour celles qui utilisent un prime broker, elles le choisissent parmi ceux proposer par son dépositaire. convention tripartiteConcrètement, le couple dépositaire-prime broker doit être validé par l'AMF. Une convention tripartite existe donc entre la société de gestion, le dépositaire et le prime broker. Cela implique que le dépositaire puisse confier à un tiers (le prime broker) tout ou partie de la conservation des titres du fonds, lui-même pouvant désigner des sous-conservateurs locaux. Or, comme l'indique l'article 214-16 du Code monétaire et financier (CMF), la responsabilité du dépositaire « n'est pas affectée par le fait qu'il confie à un tiers tout ou partie des actifs dont il a la garde ». Mais qui porte la responsabilité en cas de défaut du sous-conservateur sélectionné par le prime broker ? Même s'il n'a aucun lien contractuel avec lui, c'est toujours le dépositaire car il a validé le choix de son prime broker.Si la justice va dans le sens des dépositaires, la place de Paris pourrait être la risée de toute l'Europe et notamment du Luxembourg. On comprend pourquoi le dossier est pris très au sérieux par l'AMF. De plus, une décision positive amènerait à s'interroger sur la gestion alternative à la française et sur cette question de la responsabilité du dépositaire. Sur ce point, les autorités françaises ont apporté un début de réponse. Les dépositaires peuvent, en gestion alternative, limiter par contrat l'étendue de leur responsabilité avec les sociétés de gestion (L214-34-1 du CMF), En attendant, sur les actifs gelés chez LB, qui représente un montant d'environ 40 millions d'euros, la gestion est en partie subie. Les quatre sociétés de gestion sont en quelque sorte otage de leur dépositaire. Cette situation pourrait devenir critique pour certaines d'entre elles et ralentir leur développement. Avec dans le cas extrême l'obligation de mettre la clé sous la porte. Dans ce cas, les fonds seraient liquidés, tâche qui revient au dépositaire?
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