C'est un film noir, empreint de désespoir. Nous sommes en 1978, Raul Peralta, un pauvre type d'une cinquantaine d'années, vit à Santiago du Chili dans une pension de famille. Avec une obsession en tête : « être » Tony Manero, le personnage cultissime interprété par John Travolta dans « la Fièvre du samedi soir ». Raul ne pense qu'à ça. Il voit et revoit le film jusqu'à en apprendre les répliques par c?ur, achète le même ­costume blanc que celui de son idole, s'entraîne à danser le disco exactement comme lui. Jusqu'au jour où la télévision chilienne lance le concours des sosies de Tony Manero. Dès lors, Raul n'a qu'un seul objectif : remporter la compétition. Quitte à supprimer tous ceux qui se mettent en travers de son chemin. Prix du meilleur longmétrage au Festival du film de Turin présidé par Nanni Moretti, ce deuxième film du Chilien ­Pablo Larrain est une réussite. Autant le « Podium » de Yann Moix (une autre histoire d'identification) tirait sur la comédie, autant « Tony Manero » sombre dans le tragique. crainte et fascinationRaul, monstre ordinaire totalement égotique et sans scrupules, a besoin de s'identifier à un autre pour exister. Les femmes qui l'entourent sont tout aussi misérables. Leurs rapports avec Raul sont ambigus, entremêlés de crainte et de fascination. Une mère et une fille se disputant même ses faveurs. Sauf que même le sexe, ici, est triste. Alors quelle explication ­donner à cette atmosphère moite, lourde, qui suinte l'ennui ? Pablo Larrain, épaulé par le comédien chilien Alfredo Castro, coauteur du film, a voulu montrer à quel point la vie était désespérante dans les banlieues de Santiago sous l'ère Pinochet. Le pays était alors enfermé sur lui même, sans joie? Exactement comme Raul qui, à l'image des dictatures, rêve toujours de grandeur et sait faire disparaître ses opposants. Jean-Christophe Chanut

latribune.fr

23 Févr 2009, 1:33

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