La loi antipiratage retoquée par le Conseil constitutionnel

Décidément, le Conseil constitutionnel n'aime pas les lois de lutte contre le piratage sur Internet. En 2006, il avait vidé de sa substance la loi dite Dadvsi. Hier, il a largement censuré la nouvelle loi sur le sujet, l'Hadopi, supprimant la partie du texte portant sur les sanctions. Christine Albanel a immédiatement réagi en promettant de proposer « rapidement » un autre texte législatif. La ministre de la Culture avait déjà essuyé un premier revers en avril, quand son texte avait été rejeté suite à l'arrivée surprise d'un contingent de députés socialistes.Sur le fond, la loi voulait donner le droit à une autorité administrative indépendante, l'Hadopi, de couper l'accès à Internet des pirates. Mais le Conseil constitutionnel a estimé que « ce pouvoir ne peut incomber qu'au juge ». Il rejoint ainsi sur la position déjà adoptée par les parlementaires européens, mais dont Christine Albanel n'avait pas voulu tenir compte. Les sages de la rue de Montpensier ont, pour la première fois, estimé que la liberté de communication et d'expression établie par la Constitution « implique aujourd'hui la liberté d'accéder » à Internet.Cela en raison « du développement généralisé d'Internet, et de son importance pour la participation à la vie démocratique et à l'expression des idées et des opinions ». Dès lors, il n'est pas question de confier à l'Hadopi des « pouvoirs pouvant conduire à restreindre l'exercice du droit de s'exprimer et de communiquer librement, notamment depuis le domicile ».En outre, la loi prévoyait aussi que l'Hadopi accède à des données personnelles sur les internautes, notamment sur leurs connexions Internet. Cette disposition a aussi été retoquée au motif qu'elle « porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée », qui ne peut être effectuée que dans l'objectif de saisir la justice. Une position que le Conseil avait déjà exprimée en 2004, et que la Cnil (Commission nationale informatique et libertés) avait rappelée l'an dernier au gouvernement ? mais en vain.Hier soir, Christine Albanel a immédiatement « pris acte » de cette décision, et annoncé que sa future loi confierait cette fois au juge le pouvoir de suspendre l'accès à Internet. Mais ce n'est pas tout. La loi Hadopi ne respectait pas non plus la présomption d'innocence, à en croire la haute juridiction. En effet, si l'accès à Internet d'un abonné avait été utilisé frauduleusement par un pirate, cet abonné devait, pour échapper à la sanction, démontrer lui-même son innocence, en fournissant les éléments démontrant cette fraude. Pour le Conseil, la loi Hadopi instituait ainsi « une présomption de culpabilité en opérant un renversement de la charge de la preuve ».En revanche, a été validé l'envoi d'avertissements (courrier électronique puis lettre recommandée) avant la coupure. Ce dont s'est félicitée Christine Albanel (qui a promis d'envoyer les premiers avertissements « à l'automne »), ainsi que les sociétés d'auteurs SACD et Scam. « consternés »De son côté, les producteurs de disques indépendants (Ufpi) ont dit être « consternés » par cette décision du Conseil, qui fait que la loi « n'a plus aucun intérêt ». Pour le constitutionnaliste Dominique Rousseau, cette censure « est nette, sans appel, et la plus sévère depuis une bonne dizaine d'années ». n
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