Après la crise, l'abolition du paquet fiscal s'impose

Comme partout dans le monde, l'endettement public augmente rapidement en France et devrait atteindre environ 80 % en 2010. Cette augmentation n'est pas critiquable en soi. Du côté des recettes, la récession diminue l'assiette des prélèvements obligatoires. Du côté des dépenses, l'augmentation mécanique des prestations sociales se combine aux nécessaires mesures de relance. La critique est davantage justifiée à l'égard du laxisme budgétaire de tous les gouvernements depuis près de trente ans, qui a conduit à entrer dans la crise avec un endettement supérieur à 65 % du PIB.Mais la question principale porte sur l'avenir. On conçoit mal comment, après la crise, l'endettement pourrait être contenu sans augmenter certains prélèvements. À cet égard, une piste d'action s'imposera avec évidence au gouvernement qui sera en place lors de la sortie de crise. Il pourra augmenter les recettes publiques sans nuire à la croissance en supprimant les allégements fiscaux décidés en 2007 dans le cadre de la « loi Tepa ». Ceux-ci coûtent entre 10 et 15 milliards d'euros par an pour une utilité économique à peu près nulle.Les adversaires de la politique fiscale actuelle auraient tort d'insister exclusivement sur son caractère inégalitaire. En réalité, les réformes fiscales de Nicolas Sarkozy sont certes inégalitaires, mais beaucoup moins que celles de son prédécesseur. Les mesures les plus symboliques, comme le bouclier fiscal et la réforme de l'ISF, ont coûté à peine plus de 1 milliard d'euros, soit moins que les recettes induites par la nouvelle contribution de 1,1 % sur les revenus du capital. La diminution des droits de succession représente un montant plus élevé (environ 2 milliards d'euros). Cette mesure est favorable aux catégories aisées, mais pas aux très grandes fortunes puisqu'elle prend la forme d'une augmentation de l'abattement plutôt que d'une baisse des taux. Il en va de même de la défiscalisation des intérêts d'emprunts pour l'acquisition d'une résidence principale, qui est plafonnée. À l'inverse, les baisses successives de l'impôt sur le revenu entre 2002 et 2007 ont représenté un transfert d'environ 6 milliards d'euros par an en faveur des revenus élevés, puisque le taux d'imposition maximal est passé de 52,75 % à 40 % ? l'avantage étant, bien sûr, proportionnel aux revenus. Présenter Nicolas Sarkozy comme le héraut d'une nouvelle droite favorable aux très riches, en rupture avec la tradition gaulliste, ne correspond donc pas à la réalité. En revanche, la critique la plus fondée à l'égard du paquet fiscal est celle de son inefficacité économique. La défiscalisation des intérêts d'emprunts (pour environ 3 milliards d'euros par an) ne constitue ni un bon instrument de relance de la construction (puisqu'elle ne cible pas les logements neufs), ni un bon moyen pour augmenter la mobilité (la diminution des droits de mutation serait préférable). Plus fondamentalement, encourager les secteurs industriels innovants contribuerait plus à la croissance qu'une énième subvention à l'immobilier. La réforme des droits de succession n'a pas non plus d'utilité, car de tous les impôts, les droits de succession sont probablement ceux qui distordent le moins les comportements économiques. Enfin, selon les études existantes, la défiscalisation des heures supplémentaires, qui a coûté près de 3 milliards d'euros en 2008, a incité entreprises et salariés à déclarer des heures supplémentaires pour bénéficier du dispositif d'exonération, sans impact sur le niveau réel d'activité.Plus généralement, le paquet fiscal a pour défaut de rendre encore plus complexe le système français de prélèvements, alors que tous s'accordent à dire qu'il faudrait le simplifier. Il implique la création de nouvelles niches (avec la réforme de l'ISF et la défiscalisation des intérêts d'emprunts), le traitement différencié des revenus du travail selon le mode de déclaration des heures correspondantes, et de nouveaux effets de seuil (avec le bouclier fiscal).Politiquement, il est difficile pour Nicolas Sarkozy de revenir sur le paquet fiscal qui reprend les principales promesses de sa campagne présidentielle. Mais cela ne devrait pas être impossible. Avec la crise, la politique économique est entrée dans une nouvelle période, marquée notamment par l'enjeu de la régulation internationale des marchés financiers et la lutte contre les paradis fiscaux. Si son action réussit face à la crise, nul ne reprochera à Nicolas Sarkozy de revenir sur les erreurs coûteuses de 2007. nChronique David Spector Professeur associé à l'École d'économie de Paris.
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