La caverne d'ali baba de Martin Parr

expositionUn look à nul autre pareil, sorte de Droopy en chemisette et sandalettes. Des phrases courtes en guise de réponses. Autiste aux yeux des uns, snob au regard des autres, Martin Parr n'en est pas moins l'un des photographes les plus généreux de son époque. On avait pu s'en rendre compte aux Rencontres d'Arles en 2002 où il avait officié comme directeur artistique, profitant de l'occasion pour permettre aux spectateurs de découvrir une flopée de photographes remarquables mais peu connus du grand public, tout en permettant à ces derniers d'exposer dans un festival prestigieux.Il est aujourd'hui encore question de générosité avec « Planète Parr », la nouvelle exposition du Jeu de Paume (site Concorde). À une rétrospective rassemblant l'ensemble de son ?uvre, le Britannique a préféré montrer les multiples collections qu'il a réunies au fil des années. Parmi elles, des livres de photos, des cartes postales, des objets kitsch et délirants, et des photographies. Déployées sur l'ensemble du bâtiment dans une scénographie fluide et aérée, toutes croisent l'Histoire à celle du médium, ou de la culture populaire de la seconde moitié du XXe siècle à aujourd'hui, dressant un fascinant autoportrait du photographe.Martin Parr avoue avoir toujours été un collectionneur compulsif. Mais, face au cabinet de curiosités de ses compatriotes anglais composés d'objets d'art, lui collecte plutôt tout ce qui est banal, issu du quotidien. Qu'il s'agisse du plus grand paquet de chips au monde, des plateaux en fer illustré du couple mythique formé par le prince Charles et feu lady Di, des porte-stylos de l'ère Soyouz aussi massifs qu'un Brejnev en goguette, ou de rouleaux de papier toilettes saturés de la photo de Ben Laden, imaginés par les Américains au lendemain du 11 Septembre.« L'instant décisif »À cela s'ajoute une collection de livres de photos, incontestablement l'une des plus riches au monde. Il y a parmi ces 8.000 ouvrages répertoriés dans un album paru l'an dernier chez Phaidon des raretés. Mais aussi des témoignages plus ou moins inattendus comme cette première édition dédicacée de « l'Instant décisif », ouvrage d'Henri Cartier-Bresson qui n'avait pas caché sa désapprobation de voir Parr intégrer l'agence Magnum.Plus fascinante encore est la collection de photos rassemblée par l'invité du Jeu de Paume. On y découvre des icônes bien sûr, signées Robert Frank ou William Eggleston. Mais surtout un ensemble de tirages réalisés par ses compatriotes. Superbe hommage rendu à la photographie documentaire britannique, éclipsée par la photo américaine des années 1960-1970. On retrouve là ceux qui ont inspiré Parr comme Tony Ray-Jones, ou encore ceux dont il a marqué le travail, tel Chris Howgate, le photographe des joueurs de bingo.Pour ne pas nous laisser sur notre faim, Martin Parr nous régale de sa dernière série, « Luxury », dans laquelle il saisit, avec cette férocité qui lui est propre, les signes extérieurs de richesse des nouveaux riches à Dubaï ou à Moscou. Et c'est à la fois saignant et hilarant. n « Planète Parr, la collection de Martin Parr », au Jeu de Paume (site Concorde), jusqu'au 27 septembre.www.jeudepaume.org
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