du G20

Bonjour, camarade Li.? Bonjour, monsieur le président, camarade Jiang Zemin.? Détendez-vous, mon vieux, je ne suis plus président depuis 2003, et nous sommes en 2009. En plus, je vous ai vu naître. Appelez-moi Oncle Jiang. C'est gentil de venir me voir dans ma retraite. Si je n'avais pas mes amis shanghaiens, je serais bien seul. Alors, vous rentrez de Londres ?? Oui, j'étais dans la délégation chinoise au G20. Nous avons passé le mois de mars à préparer la réunion du 1er et 2 avril. J'étais dans le groupe de travail sur le FMI, nous avons planché sur le projet d'émission de DTS. C'était super et?? Ouh, là, mon petit Li, pas si vite. Vous savez, moi, la finance internationale? Ce que je voudrais, c'est que vous me racontiez comment ça s'est passé. Mon successeur Hu Jintao n'est pas du genre à me tenir au courant. Et Wen Jiabao, le Premier ministre, encore moins. Ils se sont toujours moqués dans mon dos de mon accent de Shanghai. Pour le G20, j'ai lu les comptes rendus parus dans notre presse, c'était mortel. À la télé, j'ai au moins rigolé en regardant l'arrivée de tous les chefs d'État par la toute petite porte du 10 Downing Street. Je connais l'endroit. À ce G20, ils étaient au moins trente ! Bon, alors, Obama ?? À l'aise, cool. Comme un Shanghaien après trois bières. Sa femme, impressionnante. Plus grande que notre président Hu.? Et Dmitri Medvedev sans son Poutine ?? Petit, l'air content d'être là.? L'Indien Manmohan Singh ?? Noble avec son turban, mais muet.? Le Japonais ?? Effacé.? Et Angela Merkel, la petite brioche à la vapeur ?? Si je puis me permettre, Oncle Jiang, il ne faut pas se fier aux apparences.? Et le Français, Sarkozy ? Moi j'aimais bien Chirac. Il nous avait invités dans son château, ma femme et moi. J'avais même fait valser Mme Chirac. Mme Sarkozy aussi paraît très classe.? Un vrai top-modèle ! Mais Sarkozy avait l'air de mauvaise humeur, assis entre le président sud-coréen et le roi d'Arabie Saoudite sur la photo. Pourtant, on l'avait mis au premier rang. Il était plus heureux au dîner, où il était placé à côté du président Hu. Il a ainsi pu présenter ses arguments pour apaiser la juste irritation de la Chine. Vous savez, à cause du dalaï?? Oui, oui, passons. J'ai vu qu'ils se serraient la main. Mais dites-moi plutôt comment s'est comporté Hu Jintao.? Heu, c'est-à-dire?? Mon petit Li, vous pouvez parler librement. Rien ne sortira d'ici. Et pour les micros, ils sont toujours en panne. J'ai gardé quelques contacts, tout de même. Quelle impression a fait Hu ?? Très bonne. Il s'est exprimé sans notes, et il souriait beaucoup. Tout le monde l'a salué avec déférence. Mais son anglais n'est pas aussi bon que le vôtre.? Ah, ça, je le sais. Que voulez-vous, Wen Jiabao et lui ont fait une bonne partie de leur carrière dans la Chine intérieure. C'est d'ailleurs pour ça qu'on me les avait recommandés : des bons techniciens, connaissant le monde rural. Pour parler de la culture du blé d'hiver, ça va, mais dans les forums internationaux?? J'ose vous contredire, Oncle Jiang. Notre président Hu Jintao n'avait pas à faire ses preuves. Il représentait la grande Chine, la troisième économie du monde et la seule à être en croissance. Notre plan de relance d'un montant remarquable, un tiers de notre produit intérieur brut, a déjà commencé à faire sentir ses effets. Il a été lancé en novembre 2008, et nous sommes seulement mi-avril, mais déjà l'activité s'améliore.? Tant mieux, tant mieux. Mes bons amis de Shanghai se plaignent d'avoir perdu énormément d'argent à la Bourse. Heureusement, depuis un mois, les cours remontent.? La Bourse, Oncle Jiang ? Vingt millions de travailleurs venus des campagnes ont perdu leur emploi, il y a des drames, des révoltes. Tout ça par la faute de l'Amérique !? Oui, oui, je sais, c'est terrible. J'espère que l'armée ouvre l'?il. Avec l'anniversaire de la sédition de Tiananmen qui arrive en juin, les habituels hooligans vont essayer d'exploiter la situation. Et avec l'Amérique, on s'entend toujours, non ? J'aimais bien Clinton, même si sa femme était agaçante à toujours parler de soi-disant droits de l'homme.? Oh, depuis que Mme Clinton est devenue secrétaire d'État de Barack Obama, elle fait beaucoup plus attention. Mais, si vous permettez, je vais vous expliquer le jeu subtil qu'a joué notre président avec les Américains. Je suis économiste, vous savez, et j'ai suivi tout ça de très près. On a dit qu'il avait fait des concessions au G20. C'est vrai, il a accepté d'augmenter les ressources du Fonds monétaire international, sans obtenir une place plus importante pour notre pays dans l'immédiat. Mais l'engagement est pris pour 2011. Les 250 milliards de DTS qui vont être émis par le FMI permettront aux pays en développement d'emprunter. Nos amis africains et latino-américains en ont bien besoin. Et puis, en soutenant le développement des DTS, qui sont une monnaie internationale, Hu Jintao n'a pas eu besoin de parler de l'idée évoquée par Zhou Xiaochuan, le gouverneur de la Banque centrale.? Quelle idée ?? Eh bien, juste avant le G20, il a écrit un article proposant de remplacer le dollar comme monnaie de réserve. Une monnaie internationale « super-souveraine » deviendrait la référence. La Russie, le Brésil et l'Inde ont applaudi.? Mais pas les Américains, j'imagine.? Ils ont été irrités et inquiets. Ils ont expliqué que c'était impossible. Mais après ça, comme par miracle, la question de la valeur du yuan n'a pas été évoquée au G20. Le nouveau secrétaire au Trésor, Tim Geithner, avait mal commencé en nous accusant de manipuler notre monnaie à la baisse. Avait-il oublié que nos réserves atteignent 2.000 milliards de dollars ? Nous avons suspendu nos achats de bons du Trésor américain à plus de deux ans, et il a vite changé de ton. Nos partenaires d'outre-Pacifique commencent à mieux saisir les signaux que nous leur envoyons. Henry Paulson, le secrétaire au Trésor de George Bush, avait essayé de nous faire la leçon sur le yuan, lui aussi.? Et alors ? Comment avons-nous réagi ?? Avec discrétion et fermeté. Pendant trois ans, pour tenir compte des demandes de Washington qui se plaignait de son déficit commercial avec la Chine, nous avions réévalué doucement notre renminbi, de 8,28 pour 1 dollar en juillet 2005 à 6,85 trois ans plus tard. Cela fait quand même 25 % de hausse, sans qu'on nous en sache gré. Eh bien, en juillet dernier, nous avons arrêté cette politique. Et, début décembre, pour dire adieu à notre ami Paulson, nous avons laissé le yuan-renminbi se dévaluer d'un coup de 0,5 %. Oh, et on lui avait joué un autre tour, à l'été, en décidant de vendre nos obligations de Freddie et Fannie, les agences de crédit immobilier, et d'acheter à la place des bons du Trésor. Du coup, il a été obligé de les nationaliser, hi, hi !? Attendez, mais je me souviens ! J'avais suivi cette histoire, à cause de la Bourse, vous savez, pour mes amis de Shanghai. C'était début septembre 2008. Et Paulson était si fâché d'avoir dû renflouer ces deux agences pour 200 milliards de dollars qu'il a refusé la semaine d'après d'aider cette banque de Wall Street, là, Lehman Brothers.? Exactement, Oncle Jiang ! C'est là que tout s'est effondré. Et, après ça, il a fallu que Paulson aille demander au Congrès 700 milliards de dollars pour sauver les banques américaines.? Mais dites-moi, mon petit Li, ce n'est pas ça qui a fait plonger nos exportations et donc notre taux de croissance ? Mes amis de Shanghai n'ont pas aimé du tout.? Je dois dire que nous avons tous été surpris que l'économie s'arrête net aux États-Unis, juste parce que les banques ne savaient plus quoi faire de leur papier.? Nos banques chinoises ne sont pas pareilles. Quand on leur dit de prêter, elles prêtent, j'en sais quelque chose.? C'est ce qui se passe en ce moment, tous les Chinois qui le veulent peuvent obtenir de l'argent. Si seulement ils n'étaient pas si peureux, à tout garder sous leur matelas ! En janvier, c'est historique, plus de voitures ont été vendues chez nous qu'en Amérique. Mais ce n'est pas suffisant, il faut que nous apprenions à devenir des consommateurs.? De mon temps, c'est la consommation des Américains qui faisait tourner nos usines.? Les choses ont changé. Les Américains vont épargner davantage, et c'est tant mieux car nous n'allons pas racheter indéfiniment leur dette. C'est pourquoi nos Chinois doivent se mettre à acheter les produits qu'ils fabriquent.? Expliquez-moi une dernière chose, ensuite je devrai aller me reposer, je sens mes 83 ans. C'est quoi cette histoire de liste de paradis fiscaux ? À la fin du sommet, on a dit qu'Obama avait dû prendre à part Hu Jintao et Nicolas Sarkozy?? Ah, oui. Sarkozy voulait une liste, pour l'opinion française. Hu n'en voulait pas, à cause de Hong Kong et Macao. Finalement, la liste a été annoncée une heure après, par l'OCDE. Rien d'important. Je prends congé, à présent, Oncle Jiang.? Merci, mon petit Li. Revenez me voir de temps en temps. On parlera de Shanghai. n Demain, chasseurs de bonus. Avril 2009. Le G20 de Londres jette les bases d'une nouvelle régulation financière, promet 1.100 milliards de dollars pour relancer l'économie mondiale, renforce le FMI... Fort de 2.000 milliards de dollars de réserves, le président chinois est maître du jeu. À Pékin, un retraité célèbre se fait raconter l'événement.
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