« Aujourd'hui, c'est l'Amérique qui doit faire sa perestroïka »

mikhaÏl gorbatchev Il y a vingt ans, en 1989, avec la chute du mur de Berlin, le monde a assisté à la fin du communisme et vous en avez été le premier acteur. Aujourd'hui, avec la crise du système financier, est-on à un tournant de l'ère capitaliste ?Vous savez, j'ai eu affaire aux présidents américains Ronald Reagan et George Bush. Je leur ai dit à plusieurs reprises que la perestroïka était nécessaire pour nous en URSS. Nécessaire, parce que nous avions devant nous une tâche immense : il fallait changer de système. Mais, leur ai-je dit, eux aussi, aux États-Unis, avaient besoin d'une perestroïka ! C'est évident. Lorsque vous avez l'habitude d'agir dans un contexte de confrontation, d'opposition, avec tout ce que cela comporte, et que cette logique change, il vous faut vous aussi effectuer une perestroïka. Les États-Unis s'étaient militarisés et j'ai dit à ces deux présidents américains que cette militarisation avait influencé leur esprit et leur économie.Vous ont-ils écoutés ?Les Américains se sont dit : « c'est la fin de l'Union soviétique, Gorbatchev est parti, donc nous pouvons profiter de la situation ». Mais on ne peut pas mentir avec l'économie et la nature, c'est impossible ! Il ne faut pas être Prix Nobel d'économie pour comprendre qu'il n'est pas normal que le pays qui représente 20 % du PIB mondial consomme à lui seul 40 % des ressources ! Je voyage souvent aux États-Unis où je participe à de nombreuses conférences. Cela faisait trois ans que je sentais la montée d'un certain mécontentement. En fait, c'est depuis le moment où, dans une université, on m'a demandé : « Que conseilleriez-vous aux États-Unis de faire ? » J'ai répondu : « Ayez votre propre perestroïka, une perestroïka américaine ! » Tout à coup, la salle de 12.000 personnes m'a fait une « standing ovation ». C'est vraiment à ce moment-là que j'ai senti que les États-Unis étaient à l'aube du changement.Certains observateurs qualifient Obama de « Gorbatchev américain » parce qu'il arrive au pouvoir à un moment charnière et que de grands changements devraient intervenir sous sa présidence. Qu'en pensez-vous ?Obama doit rester Obama et rien d'autre qu'Obama l'Américain. D'ailleurs, il se conduit comme tel et il a la chance d'avoir confiance en lui et d'avoir la confiance de son peuple. Sans confiance, on ne peut pas prendre les grandes décisions. Il ne faut pas uniquement des compétences mais aussi du courage, de l'audace. De grandes difficultés, de grands combats l'attendent. Comme tout le monde, je souhaite que cette nouvelle administration américaine réussisse. La mission d'Obama est de réfléchir au nouveau rôle des États-Unis et de le façonner.Votre nouveau combat, c'est l'environnement. Vous appelez à « faire la paix avec l'eau ». Qu'entendez-vous par là ?La situation de l'eau dans le monde s'aggrave à une vitesse inconcevable. Il n'y a pas que les pays en développement qui en souffrent. Ici aussi, en Europe, il y a déjà de graves problèmes. La population mondiale s'accroît rapidement et il va falloir donner à manger et à boire à tout le monde. Il y a déjà des conflits dans le monde pour l'eau. À l'heure où l'on parle de redéfinir l'architecture de l'économie mondiale, de redéfinir un nouvel ordre mondial, c'est l'eau qu'il faut mettre au c?ur de la réflexion ! Il faut agir tout de suite, sinon les conséquences seront catastrophiques.Yann-Antony Noghès, à BruxellesIl n'est pas normal que le pays qui représente 20 % du PIB mondial consomme à lui seul 40 % des ressources.
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