Les fonds monétaires sous surveillance

Après la déconfiture l'an dernier des produits monétaires dynamiques, beaucoup d'investisseurs s'étaient tournés vers les fonds monétaires " classiques ". Or, ces dernières semaines, ils ont connu de fortes tensions, notamment aux États-Unis. À l'origine, l'annonce mi-septembre par Putnam Investments de la liquidation du Prime Money Market Fund, fonds pesant 12 milliards de dollars. Le gérant a été victime de la crise de liquidité et ne pouvait plus honorer les rachats. Quelques jours plus tard, c'était au tour du Reserve Prime Fund de connaître une défaillance avec une baisse de ses encours de 65 %, à 23 milliards de dollars. Ce fonds, qui était exposé pour 785 millions de dollars à la dette de Lehman Brothers, a vu sa valeur liquidative chuter de 3 % à 0,97 cent à la suite de la faillite de la banque. Cela faisait quatorze ans qu'un fonds monétaire américain n'avait pas broken the buck [cassé le dollar, Ndlr]. C'est rare puisque ces produits ont une valeur liquidative constante de 1 dollar. Pour 1 dollar placé, la société de gestion n'était plus capable de rembourser au minimum cette somme. Tout cela a entraîné une crise de confiance des investisseurs qui ont massivement retiré leur argent de ces produits. Selon l'Investment Company Institute, les produits monétaires ont enregistré 184 milliards de dollars de retraits en deux semaines, soit une baisse de plus de 5 % des encours sous gestion désormais estimés à 3.400 milliards de dollars. Pour sauver ce marché, le Trésor américain garantira les actifs des fonds monétaires jusqu'à 50 milliards de dollars pendant un an maximum. Revu tous les trois mois, ce plan s'adresse aux investisseurs qui détenaient des parts de fonds au 19 septembre 2008 et concerne uniquement les produits domiciliés aux États-Unis. Pour en profiter, il en coûtera aux sociétés de gestion entre 1 et 1,5 point de base des actifs à assurer. Avec cette mesure, " les autorités américaines ont voulu rassurer les investisseurs, explique Philippe Lecomte, directeur général de Schroders France. Elles ont surtout évité que les rachats massifs continuent ".GARANTIR LE CAPITAL DES PORTEURSEn Europe, la situation semble plus calme. Les encours des fonds de trésorerie régulière ont baissé au mois de septembre mais ils sont en hausse depuis le début de l'année (voir graphique). Cela n'exclut toutefois pas un risque de faillite, les investisseurs privilégiant, ces dernières années, la performance à la liquidité.Pour se protéger, les gérants européens, par la voix de l'European Fund Asset Management Association, réclament à la Banque centrale européenne (BCE) et aux institutions nationales de proposer des mesures de prévention pour assurer la liquidité en cas de rachats importants. Car ces produits, à la différence des dépôts bancaires, ne sont pas garantis. Mais en demandant l'intervention des autorités, cela revient à garantir le capital des porteurs. En théorie, " les détenteurs de Sicav monétaires disposent à tout moment de leur argent, rappelle François Delavenne, président d'Acofi. Cela suppose de ne pas utiliser l'exception de rachat. Si c'est le cas, les promoteurs doivent indiquer clairement s'ils veulent oui ou non s'en servir quand les circonstances l'imposent ".Traditionnellement, les fonds monétaires investissent sur des instruments à court terme comme les certificats de dépôt, les obligations d'État et d'entreprises à moins d'un an ou encore les dépôts bancaires. Ils jouent donc un rôle important dans le financement des marchés de capitaux des institutions financières, notamment des banques. Mais la plupart des gérants se méfient des dépôts bancaires en raison de la crise de confiance et de liquidité qui frappe ces émissions. Si on y ajoute la défiance des banques elles-mêmes, on se retrouve avec un marché interbancaire complètement disloqué. Or " les gérants de fonds monétaires ont besoin de ce marché pour fonctionner correctement ", indique Philippe Lecomte.EVITER LE BLOCAGE DES PAIEMENTSAujourd'hui, il n'y a pas deux banques qui se parlent pour relancer ce marché car c'est un marché de relations et non de transactions. Même la BCE n'arrive pas à les faire traiter entre elles. En injectant des liquidités, elle ne fait qu'éviter le blocage des paiements. François Delavenne préconise un marché de contrepartie avec un rôle accru de la BCE qui organiserait un marché de compensation interbancaire pour les banques de la zone euro.Dans ce contexte, les investisseurs recherchent la sécurité et la liquidité. " Le risque sur ces produits est que l'émetteur fasse défaut ", déclare Bernard Descreux, directeur de la gestion de la Banque Postale Asset Management. Ce dernier couvre son risque en faisant garantir la créance par des emprunts d'État. Par ailleurs, l'aversion pour le risque a tellement augmenté qu'on assiste à l'émergence de fonds monétaires notés investis exclusivement sur la dette souveraine.
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