La crise accélère l'entrée en scène des pays émergents

L'heure est proche où la Chine, l'Inde ou encore le Brésil pèseront plus lourd dans la marche du monde que la Belgique, les Pays-Bas ou le Danemark, prédisent les experts. La poussée de fièvre financière qui a gagné la planète serait-elle aussi une poussée de maturité pour sa gouvernance ? À en juger par les derniers événements, elle accélère l'entrée en scène des pays émergents dans le jeu multilatéral, dont ils sont longtemps restés spectateurs. José Manuel Barroso, le président de la Commission européenne, l'a admis hier en laissant entendre qu'il pourrait être bientôt mis fin à la « sur-représentation » des pays membres de l'Union européenne au Fonds monétaire international, et ce afin de donner plus de place aux émergents. La Russie, qui tenait justement hier son sommet avec l'UE à Nice, a réagi positivement à ce geste : Moscou et l'UE vont défendre à Washington des « positions pratiquement identiques » pour la recherche de solutions à la crise, a affirmé le chef de l'État russe, Dmitri Medvedev, qui sait combien l'Europe a besoin d'alliés face au conservatisme américain. Affectés dans leur croissance et leur stabilité financière par la crise née aux États-Unis, les pays émergents auraient toutes les raisons de vouloir agir sur le système issu de Bretton Woods, un pacte scellé en 1945 lorsque les États-Unis étaient en position de force. Même la Pologne, pourtant membre de l'UE, n'échappe pas à la bourrasque monétaire. « La gouvernance de l'économie mondiale et des finances internationales ont besoin de réformes urgentes » et « les économies avancées et celles des pays émergents doivent prendre part aux décisions sur un pied d'égalit頻, a déclaré le ministre brésilien de l'économie, Guido Mantaga, au quotidien « Folha » de Sao Paulo. Même son de cloche à Pékin : « Pour venir à bout de la crise financière, nous avons besoin d'une action coordonnée mondiale qui passe par l'instauration d'un système financier mondial équitable, juste et régul頻, a confié le premier ministre Wen Jiabao à son homologue britannique Gordon Brown. Pékin plaide pour un recentrage de l'activité du FMI vers la surveillance macro-économique et en faveur du maintien de la stabilité financière mondiale. « Lors de la crise de 1997 en Asie, l'Occident nous a donné des leçons afin que nous libéralisions nos économies, que nous réduisions nos dettes, et aujourd'hui regardez ce qui se passe aux États-Unis », fustige Taeho Bark, professeur à Seoul National University. Aujourd'hui, l'Asie élabore son propre système de solidarité financière.Reste à savoir jusqu'à quel point les émergents, nouveaux riches nés de la mondialisation dont les intérêts sont souvent divergents, sont près à refonder le capitalisme financier. La Chine « est le grand bénéficiaire du système actuel qui lui garantit l'accès au marché américain contre l'achat de bons du trésor émis par les États-Unis », rappelle Heung Chong Kim, chercheur au Korean Institute of Economic Policy. De manière générale, les « émergents » sont arrivés hier à Washington avec des revendications relevant davantage de la défense de leurs intérêts particuliers que de la rénovation du capitalisme. Ainsi, la Turquie, cible des pressions du FMI qui réclame la baisse de ses dépenses publiques, est venue à Washington pour réclamer à la Réserve fédérale américaine une aide comme en ont bénéficié avant elle la Corée, le Brésil et le Mexique. L.C.
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