L'industrie des hedge funds français sauvée par les autorités

Depuis le début de l'année, l'industrie des hedge funds enregistre d'importantes décollectes. Selon le Hedge Funds Research, toutes stratégies confondues, les hedge funds et les fonds de hedge funds enregistrent respectivement des sorties de 43,5 milliards de dollars et de 22,6 milliards de dollars. Les actifs sous gestion sont aujourd'hui de 1,56 trillion de dollars, en baisse de 16,6 % par rapport à décembre 2007. Et les perspectives du secteur sont plutôt sombres. Nombreux sont les spécialistes à prédire la poursuite de la chute des actifs. Certains prévoient la disparition de 50 % du nombre de produits estimé à environ 10.000.« Nous sommes une « ATM machine » », a déclaré David Yarrow, fondateur de Clareville Capital, en référence au distributeur automatique de billets. La demande de liquidité est typique des investisseurs d'Europe continentale et du Sud. Elle correspond à une aversion au risque élevée et souvent une incompréhension de cette industrie dont les investissements peuvent porter sur des actifs plus ou moins liquides.En France, nombre de professionnels ont pu satisfaire cette demande en gérant leur actif et leur passif au mieux. Mais la crise de liquidité et la persistance des rachats ont entraîné un déséquilibre entre l'actif et le passif de nombreux fonds de fonds. Les acteurs ont tiré la sonnette d'alarme, évoquant un risque pour leur industrie. Certains ont diminué les frais pour conserver leurs clients et en capter de nouveaux, d'autres ont mis des lock-ups plus longs ou fermé temporairement des fonds pour plusieurs mois voire années (surtout les Anglo-Saxons).modifier les liquiditésDans l'Hexagone, le coup de pouce est venu des autorités puisque des mesures exceptionnelles ont été prises en trois semaines. Depuis le 23 octobre dernier, une ordonnance permet aux gérants de fonds Aria de modifier leur liquidité. Elle autorise les « gates », c'est-à-dire des limitations de rachats, à effet immédiat. Si les sorties sont supérieures à 10 % de l'actif du fonds, les gérants décident de les exécuter en totalité ou pas. Dans ce cas, les rachats non honorés sont reportés sur la prochaine valeur liquidative (VL) ou à une date ultérieure avec le risque pour le porteur qu'elle soit inférieure. Cette ordonnance rappelle aussi que les « side-pockets » des actifs devenus illiquides sont autorisés. Cela consiste à scinder un fonds en deux avec une poche contenant les titres liquides et une autre les illiquides. Sur la seconde, il s'agit d'une gestion extinctive. Seul le calcul d'une VL indicative est possible pour estimer les actifs. Pour le marché, ces poches ne valent rien aujourd'hui. Si elles représentent 15 % du fonds, l'investisseur supporte une perte supplémentaire.Dans la palette d'outils permettant de stopper l'hémorragie des rachats, les gérants peuvent aussi modifier la périodicité de calcul de la VL. Avec toutes ces mesures, il y a comme une rupture de contrat entre le gérant, qui n'a pas respecté les engagements indiqués dans le prospectus, et ses clients. « Pas du tout », répond l'AMF, qui indique que l'objectif est avant tout de préserver l'intérêt des épargnants. Peut-être, mais toutes ces mesures sont à la discrétion du gérant. De nombreuses maisons ont saisi l'occasion pour annoncer de nouvelles règles de liquidité. Parmi elles, de grands acteurs du secteur en France (voir tableau) qui sont souvent les plus touchés par la crise.mise en cashÀ l'inverse, certaines sociétés de gestion n'ont rien modifié du tout. C'est notamment le cas de Rothschild&Cie Gestion. « Grâce à notre bonne gestion actif-passif, nous avons pu faire face à cette crise de liquidité sans précédent et maintenir les conditions de liquidité de notre fonds Elan Gestion Alternative », indique Olivier Boularand, gérant alternatif. Les gérants qui n'ont rien modifié se portent en défenseur de ces valeurs. Dans un contexte où tout le monde est touché, cela signifie que ces gérants s'étaient peut-être mis en cash depuis plusieurs mois pour justement se protéger contre des rachats massifs.Cependant la question de la nécessité ou pas de limiter les rachats se pose. S'il est clair que cela permet de « sauver » certains acteurs, cela ne se défend pas toujours. Pour Pierre-Yves Moix, directeur du risque chez Man Investments, « l'application de gates, side-pockets, sur certaines stratégies liquides comme les CTA, ne se justifie pas. En revanche, sur les stratégies d'arbitrage, notamment de convertibles, cela peut s'avérer indispensable ». Le spécialiste s'attache donc à regarder si les positions des sous-jacents sont logiques par rapport à une bonne gestion de l'actif et du passif. D'autres gérants, notamment anglo-saxons, estiment qu'il est bon de laisser partir ses clients, même si cela entraîne une baisse de leur revenu. C'est une preuve que le contrat passé entre les deux parties a bien été respecté. À terme, ces gérants espèrent qu'ils s'en souviendront. Par ailleurs, limiter les rachats pénalise les fonds de fonds qui ne peuvent plus se séparer de certains sous-jacents. Enfin, sur la question des cantonnements d'actifs, « c'est un véritable risque pour les fonds de fonds obligés de passer des provisions sur les valeurs nettes d'actifs de leurs fonds afin de se prémunir contre les accroissements d'annonces de side-pockets par les fonds sous-jacents », déclare Sophie van Straelen, directrice générale d'Asterias.Sous la pression des « prime brokers » et des clients, « les hedge funds ont continué à réduire leur exposition au marché et disposent d'importantes quantités de cash, de l'ordre de 40 %, constate Sophie van Straelen. Ils s'en serviront pour honorer les rachats éventuels mais aussi pour saisir les opportunités d'investissement une fois la confiance recouvrée et les conditions de marché redevenues normales ». Toute la question est de savoir quand.
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