L'affaire Madoff éclabousse les régulateurs américains

Le gendarme des marchés financiers américains (Securities and Exchange Commission, SEC) se trouve une fois de plus sur la sellette. L'inculpation jeudi de Bernard Madoff, le vétéran de Wall Street qui a monté une fraude portant sur 50 milliards de dollars, va entamer le peu de crédibilité que conservait le régulateur depuis l'éclatement de la tempête des subprimes, qu'il n'avait pas anticipée.Alors qu'à travers le monde, investisseurs institutionnels et particuliers tentent d'évaluer leurs pertes, la SEC assure s'être promptement saisie de l'affaire révélée vendredi («La Tribune » du 13 décembre). Mais pas assez vite au goût des fonds de pension, hedge funds, sociétés de gestion et autres fondations caritatives qui avaient confié à Bernard Madoff leur argent en toute confiance.Jusqu'à ce que soit révélé son « montage Ponzi » ? l'emploi d'argent de nouveaux investisseurs pour rémunérer les anciens clients d'un fonds aux rendements élevés mais fictifs ?, Madoff était très respecté à Wall Street. Sa société de teneur de marché, Madoff Investment Securities, a été fondée en 1960. Bernard Madoff a été président non exécutif du Nasdaq et membre de son conseil de rémunération. Il a par ailleurs été membre d'une commission créée par Arthur Levitt, ancien président de la SEC, pour conseiller le gendarme sur la réglementation face à l'explosion des transactions électroniques. L'homme a aussi siégé dans des commissions d'institutions comme la NASD (National Association of Securities Dealer) et la SIA (Securities Industry Association).Ces références n'ont pas empêché des opérateurs et des revues ? « MARHedge » et « Barron's » ? de tirer la sonnette d'alarme voilà plusieurs années, sceptiques face aux rendements affichés par Madoff. Dans un courrier adressé à la SEC en 1999, Harry Markopolos, qui a travaillé pour un concurrent de Madoff Investment Securities, jugeait que « Madoff Securities constituait le plus gros montage Ponzi au monde ». Selon le « Wall Street Journal », Markopolos n'a depuis cessé d'alerter le régulateur, car il n'a jamais cru dans la stratégie officielle de Madoff, basée sur l'achat d'actions et des allers-retours sur des options.Plainte au civilLa structure même de la société de Madoff, qui d'un côté était teneur de marché et par ailleurs gestionnaire de fonds, aurait dû alerter les autorités, estime-t-on à Wall Street. Vendredi, la SEC a indiqué que sa branche new-yorkaise avait « achevé une enquête » sur Madoff en 2007, non suivie de poursuites. Cette enquête a été rouverte jeudi et la SEC a porté plainte au civil contre Madoff? L'affaire risque d'aggraver la crise de confiance sur les fonds alternatifs dont les actifs devraient totaliser 1.100 milliards de dollars au 1er janvier, selon Morgan Stanley, contre 1.900 milliards six mois plus tôt. Aux États-Unis, deux d'entre eux ? Fairfield Sentry et Kingate Global Fund ? seront particulièrement affectés par l'escroquerie de Madoff. Peu avant son arrestation, celui-ci avait confié à des employés qu'il ne lui restait plus que « 200 à 300 millions de dollars ». Ses deux fils l'ont dénoncé aux autorités, mais la justice tentera, lors de son procès qui s'ouvrira le 19 décembre, de déterminer s'il a bénéficié de complicités.
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