Paradis fiscaux  : éric Woerth vante sa « cellule de dégrisement »

Dans ce service de Bercy, le téléphone sonne entre vingt et vingt-cinq fois par jour. Au bout du fil, un interlocuteur, toujours anonyme, souhaite se renseigner. Il a des fonds placés dans un paradis fiscal et voudrait régulariser sa situation. Depuis quelques semaines, une cellule composée de quatre personnes traite ces dossiers sensibles et répond sur un numéro dédié, le 01.53.18.05.62. « Nous en sommes à plus de 200 appels en quinze jours », explique un proche d'Éric Woerth. Un flux très inhabituel puisque d'ordinaire, le fisc traite? trois ou quatre cas de régularisation par an. À n'en pas douter, il s'agit là des suites du G20 et de l'offensive anti-paradis fiscaux. Lundi dernier, Éric Woerth a réuni des représentants des banques, des notaires, des avocats et les membres de cabinets spécialisés pour leur exposer le fonctionnement de la « cellule administrative de régularisation », que certains au ministère du Budget appellent aussi la « cellule de dégrisement », en référence à la liste grise des paradis fiscaux de l'OCDE. « Nous voulions faire le point avec les professionnels sur la manière dont ils pourraient informer leurs clients », explique-t-on à Bercy. Les participants à la réunion ont, pour leur part, perçu plusieurs messages. D'abord, que la mise en place de cette cellule ne rimait pas avec amnistie. C'est Éric Woerth lui-même qui l'a répété à ses interlocuteurs. Pas d'amnistie donc mais une négociation peut s'ouvrir, et c'est le deuxième message que Bruno Gibert, avocat associé chez CMS Bureau Francis Lefebvre, décode. « Bercy avertit les titulaires de comptes non déclarés que bientôt il disposera de nouveaux outils pour les identifier et les incite donc à régulariser leur situation. Mais le fisc ne doit pas avoir la main trop lourde. D'abord parce qu'il n'est pas certain que les conditions de levée du secret bancaire soient telles qu'il puisse ensuite attraper tous les contribuables disposant d'avoirs à l'étranger. Ensuite, il faut que les contribuables y trouvent leur compte et que leur régularisation ne se solde pas par des sommes à acquitter dissuasives. » Trop rigoureux ou tatillon, le dispositif ne fonctionnerait pas. Et le rendement budgétaire de cette cellule ne serait pas à la hauteur des espérances. Pénalités à réglerEn tout état de cause, le contribuable devra acquitter l'impôt dû et les intérêts de retard, « les pénalités seront, quant à elles, modulables en fonction de la gravité de la fraude initiale », dit-on dans l'entourage du ministre du Budget. Cette offre est-elle suffisamment intéressante ? « Pour l'instant, ces propositions peuvent ne pas paraître suffisamment attractives pour certains contribuables, mais peut-être qu'elles s'amélioreront durant les discussions. Donc nous allons nous entretenir avec l'administration au cas par cas et voir également ce qui sera exigé en matière de justificatifs sur la provenance des fonds », juge Hervé Quéré, avocat chez Baker & McKenzie, cabinet dont une bonne dizaine de clients seraient tentés de régulariser leur situation. Tout le début de la procédure se fait sous couvert d'anonymat et ce n'est qu'au moment où les deux parties ont trouvé un terrain d'entente que l'identité du contribuable est dévoilée. Pour Philippe Durand, avocat associé au cabinet Landwell (PwC), la démarche de régularisation « s'apprécie par rapport à plusieurs critères. D'abord la crédibilité de la menace en cas d'absence de régularisation, ensuite la situation personnelle de l'intéressé (besoin de disposer des fonds en France, origine licite) et enfin montant de « l'addition » qui lui sera présentée ». Bercy prévient que le guichet ne sera pas ouvert éternellement. Les personnes intéressées vont devoir décider dans les six à huit mois à combien elles évaluent le prix de leur sérénité.
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