La crise bouscule les industriels de l'alimentaire

Les 5.500 exposants du Salon international de l'agroalimentaire (Sial) auront beau présenter leurs plus belles innovations, ils auront du mal à masquer la morosité ambiante. Bien avant le choc financier et ses répercussions encore difficiles à calculer, la baisse du pouvoir d'achat a creusé des trous dans les paniers des ménagères. Si bien que les industriels de l'alimentaire, et parmi eux les fabricants de marques nationales, vivent cette année une crise sans précédent.Pour la première fois depuis des décennies, la croissance en volume des produits de grande consommation est négative de 1,5 % depuis janvier. Jusqu'à maintenant, les innovations des industriels et la demande des consommateurs pour des produits toujours plus sophistiqués permettait de compenser cette baisse des volumes par une progression moyenne des ventes en valeur de 1,5 %. De nombreux marchés comme celui du champagne, des yaourts ou du chocolat s'étaient fortement " premiumisés " à coups de nouveautés toujours plus qualitatives. Mais, désormais, même la croissance en valeur est stoppée net.NOUVELLE STRATEGIEDES MARQUES NATIONALES En cause, la ruée des consommateurs vers les marques de distributeur (MDD), qui ont pris 2 points de part de marché depuis janvier (de 26 % à 28 %). " Chez nous, la marque Repère a progressé de 16 % en neuf mois et de 21 % sur le seul mois de septembre ", s'étonne Jean-Pierre Gontier, président de la Scamark, centrale d'achats des Centres Leclerc. Une situation d'autant plus grave pour les grandes marques que ces MDD ne se contentent plus de copier mais innovent. Selon une étude du cabinet XTC pour le Sial, 21,3 % des innovations en Europe sont le fait des marques d'enseigne. Les frites de légumes surgelées de Leclerc, le steak grillé à passer au micro-ondes d'Intermarché et le Smoothie (fruits mixés) à la betterave de Monop disputent la vedette aux Findus, Charal et Tropicana.Désemparées, les marques nationales vont chercher leurs volumes perdus chez les hard discounters. Lidl en compte déjà 190 dans ses rayons. Certaines opèrent même un retour vers les produits basiques. Danone vient ainsi de lancer un pack de 6 yaourts à 1 euro. " Une stratégie très dangereuse pour son image ", juge Xavier Terlet, PDG de XTC. D'autant plus que, comme de nombreuses autres marques, Danone atteint ce prix psychologique en diminuant le grammage de ses pots, qui passent de 125 g à 115 g. Tropicana avait, elle aussi, directement lancé ses Smoothies en format 75 cl au lieu de 1 litre.Mais, au-delà de ces subterfuges, les marques n'ont pas d'autre choix que de continuer à valoriser leurs gammes en innovant. " Nous sommes d'autant plus poussés à sortir par le haut que le coeur de marché est attaqué par les MDD ", analyse Vincent Prolongeau, patron de PepsiCo France. Attention tout de même. Pour accepter un prix plus élevé, le consommateur ne se ­contente plus de qualité. Il recherche un vrai bénéfice de santé, praticité ou autre.Mais que les marques se rassurent. La crise pousse aussi le client de supermarché à chercher le réconfort. Or l'alimentaire est un des rares secteurs où il peut encore s'offrir des petits luxes pas chers. " Nos produits les plus concentrés en plaisir, comme les tablettes fourrées par exemple, sont ceux qui se vendent le mieux ", explique Estelle Guérin, directrice marketing de Lindt. Les organisateurs du Sial, ayant bien compris cette stratégie dite de compensation, font cette année la part belle à l'épicerie fine.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.