« L'attentat de Djakarta est un avertissement au président Obama »

Sophie Boisseau du Rocher, chercheur senior à Asia Centre à Sciences poComment expliquez, après plusieurs années de calme, ce retour à la violence ?On pensait que la stratégie nuancée du très javanais président Yudhoyono à l'égard du terrorisme, consistant à éviter la confrontation directe en préférant l'accommodation et le dialogue, avait porté ses fruits:le retour de la stabilité était un des points forts de sa première présidence. Mais ce qui est vrai pour les islamistes les plus modéré ne l'est pas pour les éléments plus radicaux, qui ont continué, sur le terrain, un travail de fond auprès des populations pauvres. Le processus d'islamisation progressive de la société indonésienne se poursuit, et il permet d'ancrer un discours radical, à la tonalité anti-occidentale.Pourtant, les récentes élections avaient donné une image apaisée du pays?C'est vrai, ces scrutins ont effectivement semblé couronner le processus de démocratisation en cours : l'Indonésie est apparue comme la troisième plus grande démocratie du monde et surtout comme la première démocratie musulmane. Un rayonnement auquel les islamistes radicaux ont voulu porter un coup d'arrêt. Nous n'avons pas encore les résultats définitifs des élections présidentielles, mais le président Yudhoyono va être obligé de composer avec les partis musulmans. Or le vote du printemps a montré un recul des partis islamiques, qui n'ont recueilli que 24 % des voix contre 35 % en 2004, alors que leur influence se développe dans le pays. C'est ce paradoxe que les terroristes ont voulu exploiter en commettant les attentats d'hier.En s'en prenant à des intérêts occidentaux, les terroristes ont-ils voulu transmettre un message à l'extérieur du pays ?C'est sans nul doute un avertissement adressé à Barack Obama, qui a grandi en Indonésie, et qui prône lui aussi une politique d'ouverture et d'accommodation, ainsi qu'à sa secrétaire d'État Hillary Clinton, qui s'était rendu à Djakarta lors de sa première tournée internationale. La partie ne sera pas gagnée aussi facilement semblent signifier ces attentats. Mais c'est aussi un message à l'attention du président Yudhoyono. L'Indonésie fait partie des rares économies asiatiques à s'en sortir honorablement, avec une croissance prévue de 4 % ou 5 % cette année. Sa réélection au début du mois, sans trop de difficultés, devait marquer un retour massif des investisseurs étrangers : cet attentat est un coup bas à son égard, alors qu'il s'était engagé avec son Vice président, l'ancien gouverneur de la Banque centrale Beodinio, à poursuivre les réformes. * Sophie Boisseau du Rocher est auteur de « L'Asie du Sud-Est prise au piège », chez Perrin, mars 2009.
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