Nicolas Sarkozy a-t-il épuisé son potentiel de réformes  ?

Laurence BooneOUILa méthode utilisée depuis deux ans atteint ses limitesSi des pays comme la Finlande et la Norvège ont su mener des réformes touchant à l'ensemble de leur système, si l'Allemagne a su réduire ses dépenses publiques, et même dans une moindre mesure l'Italie, il n'y a pas de raison pour que la France ne puisse à son tour s'engager dans des réformes en profondeur. Pourtant, il faut bien reconnaître que si Nicolas Sarkozy s'est attaqué à beaucoup de questions en même temps, les réformes engagées se caractérisent aujourd'hui non seulement par une portée bien plus modeste qu'annoncé initialement mais aussi par un coût budgétaire plus élevé que prévu. Par exemple, la réforme du contrat de travail, qui devait déboucher sur une refonte complète du droit du travail en France, s'est finalement réduite à une procédure de licenciement négociée, certes au bénéfice de l'employeur et du salarié, mais au détriment de l'assurance chômage. Et tous les grands chantiers visant à réduire la dépense publique n'ont été abordés qu'avec beaucoup de timidité : la réforme de la santé devrait déboucher sur un accord a minima et un effet budgétaire nul et la réforme emblématique des régimes spéciaux de retraite se soldera sur un coût au lieu de réaliser des économies. Résultat : alors que toute réforme a un coût avant de livrer son plein effet, l'état des finances publiques qui ne permettait que peu de marges de man?uvre avant la crise, en offre encore moins aujourd'hui. Et ce, d'autant plus que la crise pèse très lourd sur les recettes fiscales comme sur les dépenses. De plus, tous les domaines de réformes ont été touchés ; une grande pédagogie va être nécessaire pour expliquer qu'il faut rouvrir ces chantiers. La méthode d'action par petites touches sur un vaste champ de domaine rencontre ses limites et le chef d'État devra donc changer radicalement de méthode, avec cette fois-ci, de vraies ambitions, en se laissant du temps pour chacune. Et considérer que, loin d'empêcher de toucher à l'équilibre du système, la crise est peut-être l'occasion de le changer radicalement en prenant les problèmes à bras-le-corps, pour que les gains d'ensemble soient réels et que soient évités les comptes « gagnant/perdant » au gré des groupes d'intérêts particuliers. Mais, encore une fois, il faut une véritable pédagogie de la réforme. Et 2009 n'est pas 1995 : aujourd'hui, l'ordre public n'est pas paralysé. Trois grandes réformes de Nicolas Sarkozy ont suscité une importante levée de boucliers des personnes concernées : la réforme de l'université, celle du système hospitalier et la remise à plat des collectivités locales. Sans parler de la question du travail dominical. Des réactions qui ont amené le chef d'État à accorder des concessions si importantes que les réformes ont été comme vidées de leur substance. Au moment où la crise touche de plus en plus de Français, leur capacité à absorber de nouveaux changements paraît s'émousser. Au point que chacun s'interroge : Nicolas Sarkozy, élu pour conduire la rupture, pourra-t-il encore réformer ? propos recueillis par Valérie SegondNONPierre SadranIl est vrai que Nicolas Sarkozy doit aujourd'hui changer d'ambition comme de méthode. La crise d'abord l'a obligé à changer de cap : il a dû abandonner le néolibéralisme qui avait inspiré le programme du candidat et les premières réformes du président pour une forme de colbertisme, ou du moins d'étatisme protecteur dans la grande tradition française. Il a fallu qu'il réponde aux nouvelles attentes des Français, créées par l'aggravation de la crise. Ensuite, la coalition des frustrations suscitées par les derniers grands chantiers, en particulier sur la réforme des universités et des hôpitaux, l'oblige aujourd'hui à changer de méthode : contraint d'en rabattre sur tous les plans, sa méthode du « réformer tout ensemble », qui visait à neutraliser l'opposition, est arrivée à ses limites : elle ne passe plus. Le gouvernement a, à l'évidence, le sentiment d'avoir « trop chargé la barque », comme le confessait récemment la ministre de l'Enseignement supérieur, Valérie Pécresse. Il est donc clair que Nicolas Sarkozy est entré dans une deuxième phase de son mandat, et en tiendra compte : va-t-il, comme certains de ses prédécesseurs, se cantonner à assumer une présidence d'attente ? Je ne le crois pas. Compte tenu de son pragmatisme et de son opportunisme, je pense qu'il saisira la première occasion pour programmer des réformes car c'est l'esprit même de son mandat, auquel je ne le vois pas renoncer : abandonner la rupture qu'il veut incarner jusqu'au bout reviendrait tout simplement à renier tant son image que son caractère. Cependant, il va devoir se montrer plus sélectif dans ses combats, en se concentrant sur les réformes les plus importantes. Que ce soit la question du financement des retraites ou de la Sécurité sociale, celle du remboursement de l'énorme dette publique, ou de l'accès à l'emploi des jeunes qui continue à s'aggraver, toutes ces questions ne peuvent plus être différées. Car c'est sur la résolution de ces problèmes qu'il sera jugé. Or il dispose encore de suffisamment de temps pour cela, avant la campagne pour l'élection de 2012.La réforme constitue l'esprit même de son mandat
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