Le FMI nouveau est arrivé

C'est l'une des principales décisions du sommet (G20) de Londres. Les ressources du FMI vont passer de 250 milliards de dollars aujourd'hui à 750 milliards. « L'idée est de rassurer les pays membres et les marchés financiers sur le fait que le Fonds aura suffisamment de ressources pour répondre à toutes les éventualités », souligne le numéro deux de l'institution, John Lipsky. C'est un processus extrêmement complexe. Une première tranche de 250 milliards de dollars passera par des accords bilatéraux. Le Japon s'est engagé sur 100 milliards de dollars, l'Union européenne sur 75 milliards d'euros (100 milliards de dollars), le Canada sur 10 milliards, la Suisse également. Une seconde tranche de 250 milliards de dollars viendra plus tard. Elle passera par les nouveaux accords d'emprunts (NAE) institués au moment de la crise asiatique. Le G20 s'est également engagé à soutenir une allocation spéciale de droits de tirage spéciaux (DTS) de 250 milliards de dollars. Le DTS est l'unité de compte du FMI. Sa valeur dépend d'un panier de grandes monnaies (dollar, yen, euro, livre sterling). Chaque pays détient une part du capital du Fonds qui permet de calculer sa capacité d'emprunt auprès de l'institution. En augmentant le nombre de DTS, le FMI accroît mécaniquement les réserves de changes dont disposent les banques centrales des pays émergents. C'est clairement le but recherché dans une période où les marchés de capitaux se tarissent. La profondeur de la crise risque d'entraîner de graves difficultés de financement pour un nombre important de pays en développement qui mènent pourtant des politiques économiques sérieuses et disposent de solides fondamentaux économiques. Les besoins de refinancement des pays émergents devraient approcher 1.800 milliards de dollars cette année, selon le FMI. Dans ces conditions, « un financement approprié du FMI accordé au bon moment permettrait d'amortir le coût économique et social de ces chocs externes, et même dans certains cas, prévenir des crises », pronostique John Lipsky, le numéro deux du FMILe FMI a donc lancé en mars une nouvelle facilité, appelée ligne de crédit modulable (LCM), à laquelle ont accès les pays émergents disposant de solides fondamentaux économiques. Le Mexique est le premier pays à avoir fait appel à cette nouvelle facilité pour un montant de 47 milliards de dollars. La Pologne lui a, depuis, emboîté le pas. Le 14 mars, Varsovie a fait savoir qu'elle souhaitait accéder à une ligne de 20 milliards de dollars entraînant immédiatement une hausse du zloty, la devise polonaise, face à l'euro. « Ceci augmentera d'un tiers les réserves de la banque centrale polonaise NBP [?] pour immuniser la Pologne contre le virus de la crise et les attaques des spéculateurs », a expliqué le ministre des Finances, Jan Rostowski. La Colombie a également fait savoir en début de semaine qu'elle entendait y recourir à hauteur de 10,4 milliards de dollars.Le FMI semble avoir trouvé la bonne formule avec sa nouvelle ligne anticontagion. Le Fonds avait fait une première tentative après la crise des pays émergents à la fin des années 1990. Sans succès. Les pays craignaient d'être stigmatisés par les marchés financiers s'ils tapaient à la porte du Fonds. Ce risque semble aujourd'hui levé. Les trois pays ayant, jusqu'ici, fait appel à la LCM ont renforcé la confiance des marchés dans leur capacité à honorer leurs engagements extérieurs. « La gestion de la crise asiatique par le FMI, alors dirigé par le Français Michel Camdessus, a entraîné une contestation très forte dans les pays passés sous ses fourches Caudines », rappelle Michel Aglietta, professeur d'économie à l'université de Nanterre et auteur de plusieurs ouvrages de référence sur le FMI. « Tous ont remboursé par anticipation les prêts qui leur avaient été accordés pour ne plus dépendre du Fonds. Les pays émergents, notamment asiatiques, ont accumulé des réserves de change considérables pour ne plus jamais avoir affaire au FMI. Ce revers l'a conduit à engager une profonde réflexion et à tourner la page du fameux consensus de Washington. »Le FMI continuera d'avoir des exigences vis-à-vis des pays auxquels il accorde des lignes de crédit. Contrairement à une banque, ses prêts sont accordés sans collatéral. La conditionnalité est donc consubstantielle au FMI. C'est la seule garantie qu'il a d'être remboursé. « Ses prêts seront toujours assortis de conditions mais les programmes ne seront plus interrompus si une conditionnalité sur trente-six n'est pas respectée. L'appréciation se fera globalement », explique-t-on à Washington. Le rôle de supervision financière du FMI est renforcé. Il travaillera désormais main dans la main avec le Forum de stabilité financière, rebaptisé Conseil de stabilité financière (FSB, selon son acronyme anglais) après son élargissement à tous les pays membres du G20. Le FMI et le FSB ont reçu pour mandat du G20 de développer et de mettre en place des indicateurs d'alerte afin de prévenir de nouvelles crises systémiques. L'idée est de croiser l'approche microéconomique du FSB et l'expertise macrofinancière du FMI. C'est une évolution importante du mandat de surveillance du Fonds dont la principale préoccupation était jusqu'ici la surveillance des balances des paiements. Si le FMI est abhorré dans de nombreux pays pauvres, il le doit notamment à ses programmes d'ajustement structurel (PAS) synonymes pour les populations pauvres de coupe claire dans les dépenses sociales. Lorsqu'un pays affiche des déficits extérieurs importants après plusieurs années de surchauffe, le FMI exige une certaine rigueur budgétaire en contrepartie de ses prêts. « Mais il souhaite désormais que l'ajustement ne pèse pas sur les plus pauvres », explique Michel Aglietta. Quel a été le rôle de Dominique Strauss-Kahn dans ce profond remaniement de la doctrine du FMI ? Il n'y a pas de génération spontanée en matière d'économie politique. Cela fait plus de dix ans que la France pousse l'idée d'une facilité de crédit préventive. « Il est néanmoins indéniable que Dominique Strauss-Kahn a joué un rôle important dans la réforme de la doctrine du FMI », assure un membre de l'institution financière. Dominique Strauss-Kahn disposait de l'envergure politique et économique nécessaire pour mener à bien cette minirévolution. Il était à Bercy au moment de la crise asiatique et sait comment raisonne un homme politique. Il peut aussi compter sur son compatriote Olivier Blanchard, chef économiste du FMI, et considéré comme une véritable boîte à idées. S'il veut réussir la mue de l'institution vers ce qu'il appelle déjà le «FMI 2.0» , l'ancien ministre socialiste de l'économie devra mener à bien les chantiers engagés. En particulier celui, à peine ébauché en avril 2008, de la représentation des pays émergents au sein du conseil d'administration. Le G20 s'est engagé à accélérer cette réforme. Par ailleurs, l'accord implicite qui distribuait, depuis 1945, la direction du Fonds à un Européen et la présidence de la Banque mondiale à un Américain n'est plus de mise. Dominique Strauss-Kahn est peut-être donc le dernier Français à la tête du FMI avant longtemps.
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