L'industrie agroalimentaire copie les pratiques de la pharmacie

Yaourts facilitant le transit, margarines enrichies en Omega 3... la volonté des industriels de l'agroalimentaire d'occuper le créneau santé est une réalité incontestée. Elle génère des évolutions drastiques mais aussi des interrogations.Principal sujet de préoccupations, les " allégations santé ", ces messages qui affirment le lien entre un aliment et un bénéfice santé. Depuis la directive européenne appliquée au 1er juillet 2007, les industriels du secteur doivent étayer scientifiquement leurs allégations. Or, on compte aujourd'hui 15 à 20.000 de ces petites phrases marketing. D'ailleurs, dans un souci de clarification, l'autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) doit dresser d'ici à 2010 une liste d'allégations autorisées - vraisemblablement quelques dizaines. Problème : dans l'intervalle, un flou juridique persiste. " Certains groupes - notamment des distributeurs - utilisent encore des allégations santé non prouvées ", dénonce le Pr Pierre Bourlioux, membre de l'Académie nationale de pharmacie.ETUDES CLINIQUESPourtant, sans attendre l'application définitive de la directive européenne, nombre d'industriels ont déjà profondément modifié leurs pratiques. Études cliniques, dossiers documentés apportant la preuve de l'" effet santé " d'un aliment contre des placebos... Des procédés typiques des laboratoires pharmaceutiques sont aujourd'hui couramment utilisés dans l'agroalimentaire. " Les dossiers scientifiques que nous soumettons aux autorités suivent un protocole précis, avec l'allégation visée, le détail de la composition des produits, les populations ciblées et le résultat des études menées ", indique Sven Thormahlen, directeur général de la recherche chez Danone.Depuis trois ans, le géant français de l'agroalimentaire, en pointe sur les produits santé - marques Actimel, Activia... -, consacre plus de 10 % de son budget R & D (soit 25 à 30 millions d'euros par an) aux études cliniques. Et le phénomène ne fait que débuter : selon l'institut Business Insights, le marché mondial des boissons et aliments " fonctionnels " devrait tripler entre 2006 et 2010, à 169 milliards de dollars. Pour autant, l'industrie ne rivalise pas avec les laboratoires en termes de durée et de budget : " Une étude clinique en agroalimentaire s'étend sur un à quatre ans contre dix à quinze ans pour la pharmacie, et son coût moyen atteint 500.000 à 1 million d'euros alors qu'il en faut plusieurs centaines de millions pour un médicament ", explique Christophe Ripoll, directeur scientifique de Naturalpha, PME lilloise spécialisée dans la réalisation d'études cliniques pour les deux secteurs.À terme, l'adoption par l'agroalimentaire de ces démarches scientifiques devrait mener à la disparition des allégations infondées. " On va assister à un nettoyage du marché ", assure Sven Thormahlen, de Danone. Mais des inconnues demeurent. " On ignore ce que devront exactement fournir les laboratoires pour justifier l'utilisation des allégations santé autorisées ", souligne Christophe Ripoll. De son côté, Sven Thormahlen tempère : " Nous ne nous voyons pas en concurrence avec la pharmacie : nous visons à la prévention et pas au traitement des maladies. "
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