La Commission européenne en voulait trop

Viviane Reding, la commissaire européenne chargée de la société de l'information et des Médias, avait une occasion en or de jeter les bases d'une véritable stratégie européenne des télécommunications qui embrasse la régulation, la gestion des ressources et les infrastructures. Elle l'a gâchée. Déjà en octobre, le Parlement a vidé son paquet télécoms d'une grande partie de sa substance. Le « conseil » télécoms, qui se réunit cette semaine sous la présidence de Luc Chatel, « promet d'être encore plus conservateur », assure le lobbyiste d'un opérateur.De l'intention initiale de la Commission d'ériger une sorte de Federal Communications Commission européenne, du nom de l'autorité américaine, le Parlement n'a rien laissé. D'une compétence communautaire dans l'attribution du « dividende numérique », les fréquences hertziennes libérées par le passage de la TV analogique au numérique, les ministres vont achever de faire table rase. Viviane Reding en était réduite la semaine dernière à menacer de retirer son paquet si le « deal » scellé par la présidence française était trop minimaliste.Elle partait à l'assaut de deux forteresses nationales : les autorités de régulation et les radiodiffuseurs. Elle n'a su ni les convaincre ni les contrer. « Au lieu de composer avec Paris et Berlin, elle a revendiqué d'emblée le maximum de pouvoirs », constate un lobbyiste. Quant aux groupes audiovisuels, ils ont fait jouer à plein leurs puissants relais nationaux contre le paradigme libéral de la Commission. Le principe de « neutralité du service » qui devait garantir à tous les opérateurs, quels que soient leurs services, un accès équitable aux ressources hertziennes les a fait hurler.«??bataille institutionnelle ?»Les opérateurs de télécoms auraient dû être les alliés naturels de Bruxelles. Ils développent, depuis la libéralisation de la téléphonie, une approche européenne de leur marché, alors que les TF1 et autres ARD restent sur leurs prés carrés nationaux. Comme le note une source européenne, « même RTL ne croit pas à un marché paneuropéen de l'audiovisuel ». La bande GSM saturée, les France Télécom et autre Telefonica voyaient d'un bon ?il une gestion plus internationale des fréquences qui leur aurait profité au moment où les mutations technologiques brouillent les frontières entre audiovisuel et télécoms. Au bout du compte, ils ont eu l'impression d'assister à une « bataille institutionnelle » entre la Commission et les États membres. Le concept de « neutralité du service » ne les a pas convaincus. Et surtout ils n'ont pas reçu les gages qu'ils espéraient sur le financement des infrastructures, « le partage du risque industriel », comme le dit pudiquement un lobbyiste. En lieu et place, la Commission ne leur a servi qu'une nouvelle mouture de la séparation entre gestionnaire de réseaux et opérateur de services télécoms, ce qui a braqué les opérateurs historiques.Pour comble de malchance, le débat au conseil dérive dangereusement vers une véritable bombe politique : la lutte contre la piraterie sur Internet et la protection des ayants droit. Ce que Viviane Reding voulait à tout prix éviter. La présidence française est soupçonnée de vouloir biffer les dispositions introduites par le Parlement au nom de la liberté d'expression et qui remettent en cause la « riposte graduée » inscrite dans la loi française en cours de discussion. Le conseil de jeudi risque de tourner au règlement de compte entre Paris et le Parlement européen. Ce qui ne laisse pas de consterner les acteurs du marché. Mais la Commission sauve la face de l'Europe vis-à-vis des consommateurs. Après avoir obtenu une forte baisse des tarifs du mobile entre les pays de l'Union, Viviane Reding devrait voir valider ce jeudi la fixation d'un prix plafond (11 centimes d'euro hors taxe) pour les SMS à l'international. Florence Autret, à Bruxelles
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