À la Martinique, les Békés répondent aux attaques

Roger de Jaham, chef d'entreprise, est un homme en colère. En colère car son entreprise de communication d'une trentaine de salariés, présente en Martinique et en Guadeloupe, est au bord de la cessation de paiement. Mais en colère surtout, car il appartient à la communauté békée (créole blanc), descendante des premiers colons et aujourd'hui, selon lui, « stigmatisée » par les plus hautes autorités de l'État, y compris par le président de la République. Les mots ne l'ont jamais effrayé et il n'a jamais hésité à faire entendre une voix dissidente au sein même de sa communauté. Et aujourd'hui, Roger de Jaham se sent suffisamment insulté pour réagir. « Les Békés paient le prix de leur silence ces trente dernières années, il est grand temps de répondre, de tordre le cou aux clichés sur une oligarchie qui mettrait en coupe réglée l'économie des îles et qui se révèlent totalement infondés, explique Roger de Jaham. Nous sommes même contraints à effectuer en Martinique un recensement ethnique de l'économie de l'île » se désole-t-il. Pour lui, les choses sont claires. La domination békée sur l'économie des îles, réelle au temps des plantations, est devenue un mythe. « Sur les huit hypermarchés de la Martinique, deux appartiennent à une famille békée (Hayot), soit 13 % de part de marché, deux à une famille d'origine chinoise (Ho Hio Hen), un à une famille mulâtre (Parfait), un à une famille noire (Lancry) et le dernier à un groupe métropolitain (Cora). » Idem pour la distribution secondaire, un segment où règne, selon lui, une concurrence « féroce »?: 16 supermarchés, supérettes et autres discounters sur les 97 de l'île sont la propriété d'un groupe béké. « Il n'existe pas aujourd'hui une société, dans un secteur d'activité, qui existait déjà au début des années 60. Problèmes structurelsLes entreprises naissent et meurent comme partout ailleurs. » « Et le groupe Marsan qui dominait la Martinique dans les années 50, qu'est-il devenu?? Il a tout simplement disparu corps et bien?! », se rappelle Roger de Jaham. « L'idée que le Béké est avant tout un héritier ? il faut bien remonter à l'esclavage ? qui prospère sur une économie de rente de type colonial n'est tout simplement pas conforme à la réalité. » Il se trouve d'ailleurs que le premier groupe de services en Martinique, en termes d'emplois (1.200 salariés), est celui du métis Robert Parfait. Sur sa lancée, Roger de Jaham dénonce tous les clichés qui frappent la Martinique. « Il n'y a pas plus de jours de grève en Martinique qu'en métropole et généralement, les conflits sociaux éclatent dans la fonction publique?! » Il ne renie certes pas la crise sociale?: « Le monde entier tremble pour son emploi, pourquoi la Martinique serait épargnée?? Mais les problèmes structurels de l'économie antillaise trouvent avant tout leur source dans un choix politique, celui d'asssurer aux Antillais des revenus équivalents à ceux de la métropole. Comment voulez-vous combler cette distorsion face à nos concurrents de la Caraïbe?? Sans parler des normes européennes qui s'appliquent ici?! « Toutes nos productions ne peuvent être compétitives, le rôle de l'État est bien d'assumer ses choix politiques en compensant les distorsions par des aides. Il n'y a rien de choquant à cela et l'État mène d'ailleurs cette même politique en faveur d'autres départements ou d'autres secteurs d'activité, comme l'agriculture. » Mais, s'interroge Roger de Jaham, encore faut-il être bien certain que la Martinique ou la Guadeloupe aient toujours leur place dans la communauté française et européenne. n© crédits photo
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