Piraterie : la riposte des états

On a cru un moment, cet été, que l'envolée du prix du pétrole était de nature à sérieusement ralentir les échanges commerciaux, dont 80 % s'effectuent par bateau. Aujourd'hui c'est un autre phénomène, la piraterie, qui risque d'avoir le même effet. Cette forme de délinquance ancestrale a pris de nouvelles proportions. Elle est devenue une industrie d'extorsion : des bateaux sont détournés afin d'obtenir une rançon de l'armateur. C'est ce qui s'est passé le 15 novembre dernier, quand, en un quart d'heure seulement, quelques pirates armés de vieilles Kalachnikovs se sont rendus maîtres d'un superpétrolier de 330 mètres, le « Sirius Star », contenant dans ses cales quelque 300.000 tonnes de pétrole saoudien ? soit un quart de la production quotidienne de la première puissance pétrolière mondiale !Sur les neuf premiers mois de l'année, 199 actes de piraterie ont été signalés (contre 263 répertoriés en 2007 par l'Organisation maritime internationale, rattachée aux Nations unies). Mais l'opération de la mi-novembre est de loin la plus téméraire et la plus grosse prise jamais réalisée par les pirates qui sévissent actuellement, au large des côtes de la Somalie, principalement. Du coup, les grands armateurs, du Norvégien Odfjell au Danois A. P. Moeller-Maersk, semblent décidés, quitte à ce que cela renchérisse leurs coûts de transport, à changer de cap ? littéralement ? et à passer par Bonne-Espérance, afin de contourner la zone la plus dangereuse actuellement, le golfe d'Aden. Reste que les choix sont limités, car il y a, à travers le monde, quelques points de passage obligés. Difficile d'éviter le canal de Suez et celui de Panama, le détroit de Malacca et celui d'Ormuz, Gibraltar et le golfe d'Aden.une flotille de l'otanLes armateurs, réunis en début de semaine à Kuala Lumpur, en Malaysie, à côté du détroit de Malacca, ont sonné la corne de brume. Ils ont demandé aux Nations unies de mettre en place un blocus naval des côtes somaliennes pour contrecarrer la piraterie. De son côté, l'Otan, qui a déjà envoyé, à la fin octobre dernier, une flottille de quatre navires de guerre croiser dans les parages (dont deux chargés de sécuriser l'acheminement de l'aide humanitaire du Programme alimentaire mondial), n'entend pas passer à un blocus naval, ni lancer une opération terrestre contre les pirates, comme le préconisait le 19 novembre dernier l'ambassadeur de Russie auprès de l'Otan. Aucune action de ce type n'a d'ailleurs été autorisée par le Conseil de sécurité des Nations unies.Pourtant, de nombreux pays s'organisent pour faire face au danger. C'est vrai notamment de l'Europe. Devant la recrudescence d'actes de piraterie, le conseil des ministres de l'Union avait décidé, dans l'indifférence générale, le 10 novembre dernier ? avant, donc, le spectaculaire arraisonnement du « Sirius Star », d'une mission navale dans la zone. Baptisée Atalanta et placée sous commandement britannique, elle est chargée de relever les bateaux de l'Otan stationnés sur place jusqu'au début décembre. En outre, la Russie et les États-Unis ont annoncé il y a quelques jours s'être mis d'accord sur la nécessité d'accroître la lutte contre le fléau de la piraterie, sans que des mesures concrètes ne soient annoncées, Moscou déclarant toutefois vouloir envoyer plus de navires de guerre dans la zone.Enfin, les pays arabes riverains de la mer Rouge, réunis au Caire en fin de semaine dernière, devraient eux aussi réagir prochainement, sous l'impulsion de l'Égypte, qui a tout à perdre si les navires commerciaux venaient à se détourner du canal de Suez. Ces nations envisagent de former une force navale commune qui croiserait elle aussi au large de la Somalie. L'ironie de la situation est que les bateaux de guerre français, russes, américains, pullulent déjà dans la région, sans pour autant effrayer les pirates. Ils exigent depuis jeudi dernier une rançon de 25 millions de dollars pour se dessaisir du « Sirius Star », dont la cargaison de brut est estimée à 100 millions de dollars. Au mouillage dans un petit port de pêche à 300 kilomètres de Mogadiscio, le « Sirius Star » était encore hier soir l'objet d'âpres négociations. Et les pirates n'ont pas l'intention de se laisser impressionner. Leur porte-parole, Mohamed Said, a déclaré par téléphone que « toute tentative pour prendre le bateau de force [était] futile ». Il y aurait assez de pirates armés et organisés pour le défendre actuellement. De même, le montant de la rançon reste inchangé? De quoi inciter les autres pirates de la région, qui détiennent pas moins de 17 bateaux à l'heure actuelle, à rester fermes?
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