Les émergents rattrapés par la crise

Considérés, il y a quelques jours encore, comme d?éventuels amortisseurs à la crise mondiale, les pays émergents, dont la croissance était censée tirer celle des pays industrialisés, se sont soudain transformés en danger majeur pour le reste de la planète. Jamais, de mémoire de traders, l?hystérie n?avait été telle sur les marchés émergents. En fin de semaine dernière, c?est à un véritable jeu de massacre que se sont livrés les professionnels. De la Russie à l?Argentine, de l?Ukraine à la Corée du Sud, aucun pays, qu?il prête ou non le flanc avec des déséquilibres internes, n?a été épargné. Aucun marché non plus, que ce soit les actions, les obligations ou les changes.L?initiative du Fonds monétaire international, attendue de façon imminente, d?ouvrir une « facilité de liquidités » spéciale à destination des pays émergents en mal d?argent prend tout son sens, les sorties de capitaux ayant été spectaculaires ces derniers jours. Le FMI pourrait mettre sur la table jusqu?à 209 milliards de dollars. Les pays auraient la possibilité d?emprunter jusqu?à 500 % de leur contribution aux caisses du Fonds. Ainsi, le Mexique pourrait tirer plus de 23 milliards de dollars et la Pologne 10 milliards. De quoi alléger les tensions en termes de liquidités. Mais pas de corriger les faiblesses de fond. suspicionLes économies de certains pays émergents sont en effet moins robustes qu?elles ne le paraissaient. Elles ont subi une série de chocs : hausse du prix des matières premières et des denrées alimentaires, baisse des importations européennes et américaines et, enfin, reflux de la demande interne liée aux difficultés de crédit. En outre, la réévaluation des taux de change jette une lumière crue sur une caractéristique partagée par nombre d?entre elles, le fait d?avoir contracté des emprunts en devises étrangères. Le piège se referme quand il s?agit de rembourser à l?aide d?une monnaie locale affaiblie. Et la suspicion s?installe vite. Un défaut est toujours possible. Du coup, les investisseurs qui ont acheté des obligations du Trésor des pays émergents estiment que ce risque doit être mieux récompensé. La « prime de risque » a ainsi doublé, voire quadruplé en à peine un mois. Sur la Russie, elle est passée de 280 points le 1er octobre à 1.076 points le 23 octobre. Sur l?Ukraine, de 760 points à 2.615, et sur l?Argentine, de 1.051 points à 3.883 points ! Pourtant, souligne Javier Santiso, un expert de l?Amérique latine, « il reste malgré tout une certaine rationalité dans l?irrationalit頻. À titre d?exemple, la nationalisation des fonds de retraite argentins, même si elle a eu des répercussions sur l?ensemble des marchés, a pénalisé avant tout l?Argentine. Et les primes de risque le prouvent, il existe encore une graduation sur l?éventualité d?un défaut d?un pays souverain. « Mais l?idée qui prévaut actuellement est la suivante », rapporte Juan Carlos Rodado, économiste chez Natixis : « Comment voulez-vous que l?Islande ou la Hongrie parviennent à stabiliser leurs marchés financiers ou leurs devises alors que les États-Unis n?arrivent pas à le faire?? » Compte tenu de l?aversion au risque de la part des investisseurs étrangers, les pays qui se sont trop reposés sur les capitaux étrangers pour financer leur croissance ? tels l?Ukraine, les États baltes ou la Hongrie ? sont les plus vulnérables. Toutefois, « il va falloir opérer un tri entre les pays qui ont créé une dynamique interne et dégagent d?énormes réserves, et ceux qui n?ont pas su réinvestir les profits des matières premières », estime un stratège. En Russie, par exemple, les réserves de change (540 milliards de dollars) sont spectaculaires ? mais elles correspondent au niveau de la dette extérieure du pays. Bref, si certaines nations, Russie, Argentine, Mexique, sont en danger, d?autant que les mar-chés ont « la mémoire » des crises passées, d?autres, émergentes ou non, pourraient rejoindre la liste. Lysiane J. Baudu & Marjorie Bertouille
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