Le marché de la dette se referme

Les entreprises qui avaient coutume de faire appel au marché de la dette pour se financer sont dans une situation délicate. Depuis la faillite de Lehman Brothers, placer un emprunt obligataire auprès des investisseurs est en effet devenu extrêmement périlleux.En six semaines, seules deux d?entre elles, GDF Suez et Gasunie, ont réussi à lancer des opérations significatives sur le marché en euros. Elles ont respectivement levé 1,9 et 1 milliard d?euros. Mais de telles transactions ne sont pas à la portée de tout le monde. Ces derniers temps, pour placer un emprunt obligataire, une entreprise devait non seulement être prête à y mettre le prix. La prime de risque moyenne exigée pour détenir de la dette « corporate » (hors institutions financières) plutôt que de la dette souveraine a bondi?: selon le fournisseur d?indice Markit, elle est passée de 180 avant la faillite de Lehman, à plus de 355 points de base (1 point de base = 0,01 %). Mais, compte tenu de l?aversion au risque anormalement élevée des investisseurs, elle devait également présenter un profil aussi rassurant que possible. Les agences de notation financières classent ainsi GDF Suez et Gasunie dans le haut de la catégorie simple A ou dans le bas de la catégorie double A, et toutes deux opèrent dans le secteur des « utililities » (services aux collectivités), qui offre des perspectives de flux de trésorerie extrêmement stables.De plus, selon plusieurs stratégistes de marché, la fenêtre d?ouverture du marché du crédit est déjà en train de se refermer. Vendredi, à la fin d?une des semaines les plus dévastatrices depuis le début de la crise financière, la nervosité des investisseurs était à son paroxysme et tous les « indices de peur » ont atteint des niveaux historiques. Sur les actions, le VIX a frôlé les 90 %, tandis que, sur les marchés du crédit, l?iTraxxCrossover (qui mesure le coût moyen de l?assurance contre le risque de défaut d?entreprises notées en catégories spéculative) a atteint 920 points de base. Traduction?: il faut en moyenne débourser 920.000 euros par an pour assurer 10 millions d?euros de dette « crossover »?! Dans de telles conditions, « beaucoup d?investisseurs préféreront garder leur cash plutôt que de l?investir », expliquent les stratégistes crédits de la Société Générale, qui voient la perspective de nouvelles émissions obligataires s?éloigner à nouveau.Les entreprises à la structure financière fragile sont particulièrement vulnérables. Le marché du « high yield » (la dette à haut risque et haut rendement) est totalement gelé depuis le début de la crise financière et les analystes guettent déjà les premiers défauts. En revanche, la plupart des entreprises notées dans la catégorie dite « d?investissement » ne devraient pas connaître de problèmes de liquidité d?ici à la fin de l?année. Si des emprunts obligataires arrivent à échéance, elles pourront toujours tirer sur leurs lignes de crédit bancaires ou puiser dans leur trésorerie, expliquent les analystes. Nul n?ose en revanche dire ce qui se passera si l?accès au marché de la dette reste aussi restreint en 2009.Dans ce contexte, les opérateurs de marché se montrent ultrasensibles au risque de liquidité. À la moindre difficulté opérationnelle annoncée ou soupçonnée, les dérivés de crédit (CDS), ces contrats qui permettent de se couvrir contre le risque de défaut d?un emprunteur, flambent. Vendredi, le ralentissement annoncé de l?activité a fait décoller les CDS des constructeurs automobiles. Ceux de Peugeot et de Renault ont ainsi respectivement bondi de 35 et 45 points de base. Sophie Rolland
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