Le modèle du groupe Prisa se fissure

La crise qui affecte toute la presse espagnole a désormais rattrapé le leader du secteur, le puissant groupe Prisa. D'autant que la principale mesure envisagée par l'éditeur du premier quotidien espagnol « El País » et du quotidien économique « Cinco Días » pour se tirer d'affaire semble au point mort. Il s'agit de la vente de Digital +, qui permettrait à Sogecable, la filiale audiovisuelle du groupe, de se délester de sa chaîne cryptée pour se concentrer sur sa chaîne en clair, Cuatro. Aucune offre ferme n'aurait finalement été présentée à ce stade, bien que Telefónica, l'entreprise qui pourrait obtenir le plus de synergies d'une telle opération, continue à étudier les chiffres. Vivendi et News Corp suivent le dossier, mais restent muet sur leurs intentions. Telecinco, la filiale espagnole de l'italien Mediaset, a annoncé la semaine dernière avoir jeté l'éponge.1.925 euros par abonné Le prix exigé rebute les candidats potentiels. L'administrateur délégué de Prisa, Juan Luis Cebrían, avait estimé, avant la crise, la valeur de Digital + à 3,85 milliards d'euros, soit 11 fois l'excédent brut d'exploitation (Ebitda) de l'époque. La valorisation du numéro un espagnol de la TV payante, qui équivaut à 1.925 euros par abonné, se situe à un niveau très supérieur aux dernières transactions effectuées en Europe. Même s'il est vrai que les abonnées de Digital?+, comme l'affirme Prisa, consomment davantage que ceux des chaînes payantes d'autres pays, la crise a achevé de rendre cette exigence prohibitive. D'autant que Digital + donne l'impression de stagner. La chaîne née en 2004 plafonne aux alentours de 2 millions d'abonnés, alors que ses rivales progressent : l'opérateur de câble Ono, et Telefónica avec ses offres de téléphonie, ADSL et TV. Autre incertitude, le gouvernement n'a pas encore définitivement arrêté sa position sur la création de chaînes numériques payantes alors que la fin de la diffusion analogique de la TV prévue pour avril 2010.Le numéro un espagnol des médias, qui était encore il y a quelques mois cité comme un modèle de groupe de presse qui avait réussi sa diversification multimédia et son internationalisation, accumule les déboires. La bourse de Madrid témoigne de sa défiance en infligeant à l'action Prisa une chute de 77 % depuis le début de l'année. C'est que la situation financière du groupe madrilène devient tendue. Un prix de vente trop bas pour Digital ?+ risquerait de dégrader ses ratios financiers. En effet, la réduction de dette qu'elle permettrait serait alors proportionnellement moins importante que la réduction du résultat d'exploitation qu'elle provoquerait (l'audiovisuel a représenté 51 % de l'Ebitda du groupe en 2007).La dette requiert néanmoins une solution rapide. Elle atteint 4,85 milliards d'euros, soit 6,2 fois l'excédent brut d'exploitation de 2007. L'espagnol qui est aujourd'hui avec Lagardère l'un des deux premiers actionnaires industriels du groupe Le Monde, va devoir refinancer 1,95 milliards d'euros dès mars 2009, grâce à une première prorogation obtenue des banques en juillet dernier. Pour faire face à ces échéances, le groupe a déjà vendu trois de ses principaux immeubles, dont le siège de El País, et annoncé la fermeture le 31 décembre de Localia, sa chaîne de télévisions locales. Mais cela risque de ne pas être suffisant.C'est pourquoi il est aujourd'hui reproché au groupe l'acquisition de trop. En décembre dernier Prisa lançait une offre publique d'achat sur la totalité du capital de Sogecable, qu'il contrôlait déjà à hauteur de 47,1 % du capital (lire encadré). L'opération réalisée à un prix élevé, lui a coûté près de 2 milliards d'euros, entièrement financé par endettement. Or, le groupe devait déjà digérer l'acquisition du portugais Media Capital en février 2007, et celle d'une chaîne de 140 radios au Chili. L'assemblée générale des actionnaires convoquée pour le 5 décembre promet d'être agitée. Reportée une fois (ellé était prévue pour le 20 novembre) elle sera appelée à se prononcer sur une augmentation de capital de 2 milliards d'euros.
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