« Il ne faut pas revenir aux politiqu es du siècle dernier »

Vous avez déclaré la guerre au protectionnisme. Où tracez-vous la ligne entre soutien de l'activité et protectionnisme ?Neelie Kroes : Le marché unique est notre bien le plus précieux et nous devons le protéger. On ne peut en profiter pour vendre ses voitures à l'étranger et, dans le même temps, vouloir tout produire chez soi. Partant de ce principe, il ne faut pas faire machine arrière et nous devons bannir le terme « protectionnisme ». Car il s'agit d'un anachronisme contre lequel je me bats, surtout quand certains responsables politiques y ont recours. Il s'agit d'une vision limitée, à court terme, et avec laquelle il y a bien plus à perdre qu'à gagner.Au fond, qu'est-ce qui vous dérange dans le plan automobile français ?Nous avons eu jusqu'ici un dialogue constructif avec les autorités françaises et je crois que nous pourrons résoudre les malentendus. Mais il est primordial que ce soit les dirigeants d'entreprise qui prennent les décisions et non le gouvernement. C'est à eux de décider où ils souhaitent localiser leurs activités. C'est d'ailleurs souvent en France qu'ils le font, car votre pays offre de nombreuses opportunités ! Mais j'insiste : la localisation des activités ne doit pas être connectée à une proposition d'aide d'État.Cette semaine, Nicolas Sarkozy a plaidé à nouveau pour un plan automobile européen et appelé la Commission à réagir. Au passage, il se félicite que d'autres pays aient imité l'approche française?Nous rejetons l'idée d'une approche sectorielle, où certains secteurs bénéficieraient de règles plus souples que d'autres. Il faut une approche générale avec différentes possibilités d'aides publiques. Sinon, ce serait revenir aux politiques du siècle dernier, où chaque secteur avait ses propres dispositions. Et puis, il faut bien avoir à l'esprit que certaines entreprises, dans l'automobile comme dans d'autres secteurs, étaient déjà en difficulté avant la récession. Vous savez, j'ai moi-même été responsable politique et je sais combien il est difficile, lorsque l'on se rend sur des sites où l'activité ralentit, de faire face à un électorat en attente de mesures concrètes. Mais nous n'avons pas que des devoirs en vue des échéances électorales : notre action s'inscrit aussi dans le long terme. À partir de là, il y a aujourd'hui toute une gamme de possibilités : primes à la casse, aides financières ou prêts temporaires, aides pour la formation des travailleurs ou la recherche sur les véhicules innovants. Tout cela est autorisé ? en partie grâce à la réaction rapide de la Commission, en adoptant au mois de décembre dernier un encadrement temporaire pour autoriser des aides visant l'accès au crédit des entreprises ? et je me réjouis que la prime à la casse soit déjà utilisée et permette d'augmenter les ventes de voitures. Je suis convaincue qu'avec tous ces instruments, on peut faire beaucoup, sans pour autant miner le marché intérieur.Mais est-ce assez ? La Commission est souvent représentée comme une machine bureaucratique s'accrochant à ses règles sans avoir vraiment pris conscience qu'on traversait une crise. Cette critique vous paraît-elle justifiée ?Jamais de la vie ! Nous comparer à une bureaucratie est complètement faux et je dois dire à tous ceux qui ont des doutes que nous sommes aux commandes et que nous sommes très actifs. Ces derniers mois, mes services et moi avons travaillé à un rythme d'enfer, même si ce n'est pas pour approuver tous les plans qui nous ont été soumis. Ces derniers doivent être de qualité et nous devons aussi disposer de toutes les informations et données chiffrées. Il ne s'agit jamais d'un simple « coup de tampon » de Bruxelles ! Parfois, il arrive que nos décisions correspondent à ce que les gens anticipent, et parfois non. Mais ce que nous accomplissons ou décidons est toujours fait pour servir le consommateur.Dans le secteur financier, vous voulez coordonner les plans bancaires et vous plaidez parallèlement pour une transparence totale, en réclamant une publication des actifs douteux avant l'intervention éventuelle des États. Pourquoi cette demande ?Nous apprenons à mesure que nous avançons. Il faut régler la question des actifs douteux dans les bilans des banques et nous avons pris cette semaine des décisions importantes dans ce sens. Il nous faut davantage de transparence et favoriser le retour à la confiance. Actuellement, le système entier est bloqué par manque de confiance. Je suis particulièrement préoccupée pour les PME, pour lesquelles il est très difficile d'obtenir un prêt. Si nous ne parvenons pas à rétablir la confiance, alors nous aurons un grave problème.Votre rôle consiste à apporter une vision à long terme. Vous sentez-vous comme ces parents qui disent à leurs enfants : « Je sais ce qui est bon pour ton futur » ?Je n'oserais jamais ! Même s'il est vrai que je suis plus âgée que la plupart des dirigeants des Vingt-Sept et qu'à ce titre, je prétends bénéficier d'une certaine expérience. Depuis mon fauteuil de commissaire européenne, je ne me focalise pas sur la prochaine élection. À mes petits-enfants, qui me demanderont : « As-tu fait ton travail lorsque tu étais en poste ? », je veux pouvoir leur répondre que nous étions au courant des grands défis climatiques et énergétiques, des crises, et que nous avons fait ce que nous devions faire. Que ce n'était pas du court terme et que ce n'était pas concentré dans un domaine particulier. Vous savez, je connais les surnoms dont on m'affuble, comme « celle qui inflige des amendes de 3,3 milliards ». Je préférerais de loin une meilleure économie, sans cartel, où je n'aurais pas d'amende à infliger !Voyez-vous dans cette crise une opportunité d'assainir l'économie ?Oui, absolument. Il y a toujours un aspect positif dans une situation difficile. C'est une crise compliquée en ce moment, avec des implications pour de nombreuses familles, se traduisant par des pertes d'emploi ou une baisse du niveau de vie. Mais nous avons peut-être été un peu trop gâtés. Tout le monde n'en est peut-être pas conscient, mais notre communauté a été gâtée. Il nous faut nettoyer notre système, notre organisation. Nous devons définir ce qui est indispensable et voir ce que nous devons changer pour prendre nos responsabilités. nOn ne peut en profiter pour vendre ses voitures à l'étranger et, dans le même temps, vouloir tout produire chez soi.sur le marché uniqueJe suis particulièrement préoccupée pour les PME, pour lesquelles il est très difficile d'obtenir un prêt.sur la confianceNeelie Kroes, commissaire européen en charge de la concurrence
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