Divine comédie politique

Mille neuf cent quatre- vingt-onze. À l'aube d'une nouvelle journée, tout Rome dort encore. Sauf un homme, seul, qui, lui, travaille. Cet homme, c'est Giulio Andreotti, appelé le Divin, l'Inoxydable, l'Indéboulonnable, Belzébuth. Andreotti est le leader de la Démocratie chrétienne (DC) italienne, il va être nommé pour la septième fois de sa très longue carrière (il est député depuis 1946) président du Conseil. Quelques heures plus tard, son clan le rejoint pour discuter. Il y a là des hommes politiques mais aussi d'éminents représentants du pape, des banquiers, etc. Symbolisant l'étendue et l'aspect hétéroclite des réseaux d'Andreotti. Un an plus tard, Andreotti sera débarqué, deviendra sénateur à vie et échouera à devenir président de la République. En 1992, sa carrière politique active sera interrompue par l'ouverture d'une information judiciaire pour des liens supposés avec la Mafia.Mafia, vatican et ciaC'est à ce personnage phare de la politique italienne qu'à décidé de s'attaquer le réalisateur Paolo Sorrentino dans son film « Il Divo », qui sort aujourd'hui sur les écrans. Le défi était difficile et Sorrentino l'a bien relevé. « Il Divo » a d'ailleurs été couronné à Cannes par le prix du jury. Son film n'est pas bâti comme une biographie classique. Le réalisateur n'utilise pas les flash-back pour raconter les débuts politiques du jeune Andreotti. Ce n'est pas le sujet. Il se concentre sur la dernière année de l'homme au pouvoir. Mais chacun des dialogues que le « Divin » a avec l'un de ses proches sur les décisions qu'il est amené à prendre est prétexte à une série de scènes rapides, saccadées, pleines de suicides, d'attentats, d'assassinats. Car là est le vrai propos du film : se replonger dans la très violente histoire politique italienne depuis la fin des années 1960. Sorrentino reprend l'idée, répandue en Italie, que Giulio Andreotti était au c?ur de tout un imbroglio mêlant la Mafia, le Vatican, la CIA, des pseudo-loges maçonniques, etc. Ainsi défilent sous nos yeux les assassinats du banquier Michele Sindona en 1986, du journaliste Mino Pecorelli en mars 1979, du juge antimafia Giovanni Falcone en 1992. Mais aussi les suicides douteux, comme celui de Roberto Calvi, le banquier véreux du Vatican retrouvé pendu sous un pont à Londres en 1982. Bien entendu, Paolo Sorrentino n'oublie pas les Brigades rouges et l'assassinat en 1978 d'Aldo Moro, autre figure clé de la Démocratie italienne. Celui que Giulio Andreotti appelle « son ami », même si le film suggère qu'il n'a pas fait grand-chose ? comme le reste de la classe politique d'ailleurs ? pour le libérer. personnage mutiqueAndreotti, personnage mutique (campé par un formidable Toni Servillo), hiératique et caustique ? son sens de la répartie était fameux ?, est présenté comme une sorte de démiurge tirant les ficelles. Ou, en tout cas, laissant faire au nom de la raison d'État. Car Andreotti, à en croire Sorrentino, n'a vécu que pour le pouvoir. Et peu lui importaient les moyens. D'ailleurs, durant son retentissant procès, il n'avouera rien. Des aveux que le réalisateur n'hésite pas, lui, à inventer dans une extraordinaire scène de confession imaginaire. « Il Divo » sera finalement absous en cassation en 2004, la cour retenant toutefois l'existence d'une « association simple » avec la Mafia avant 1980. Ceux qui s'intéressent à la chose politique apprécieront ce film. n
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.