« Il faut un fonds stratégique d'investissement régional »

Valéry Brancaleoni : Vous dites que si vous êtes élue, vous lancerez un plan d'urgence pour les transports. De quoi s'agit-il ?Je propose de changer de vision. Il faut bien sûr construire de nouvelles lignes. Il y a vingt et un projets en cours dans le contrat État-région. On a pris du retard. Il faut que cela cesse. Mais ce qui me frappe, c'est qu'on a oublié le mot « service ». Dans le RER, le taux de retard atteint 10 %. Et pour les employés, les salariés qui prennent les « petits gris » [surnom donné aux trains de la banlieue parisienne datant des années 1960, Ndlr] entre Melun et Paris, les conditions de transport sont d'autant plus insupportables que leurs employeurs n'acceptent plus leurs retards à répétition... Il faut donc un plan sur la ponctualité, le confort et la sécurité. Nous devons investir pour remettre à niveau toutes les lignes, accélérer le plan de renouvellement des rames, des wagons... il y a des problèmes d'aiguillage, des chutes de caténaires.Jean-Louis Sévilla : Concrètement, que proposez-vous ?Nous devons faire preuve de volontarisme. En 2004, l'axe de campagne de Jean-Paul Huchon, c'était « les transports zéro défaut ». La notion de service aux usagers n'a pas été mise au coeur du schéma directeur. C'est une logique d'ingénieur qui a prévalu. De plus, tous les travaux ont pris du retard. Pour moi, le président de région doit veiller au bien-être quotidien des usagers. C'est pour cette raison que nous nous présentons comme les candidats de la vie quotidienne. Songez par exemple que les usagers passent 30 % de leur temps de trajet dans les gares. Et qu'est-ce qu'ils y trouvent ? Des journaux. [Sourires.] C'est bien, mais ce serait nettement mieux s'ils pouvaient y trouver trois ou quatre services de proximité. Je propose de faire des gares de vrais lieux de vie. C'est possible et finançable dans le cadre de partenariats public-privé. Il y a là-dessus un tabou que je suis prête à lever. Il y a une centaine de gares qui accueillent plus de mille passagers par jour. On peut y construire des parkings, des maisons d'assistantes maternelles, des crèches... La région aiderait évidemment au financement de ces investissements.V. B. : Vous avez proposé de supprimer les six zones tarifaires du pass Navigo pour passer à deux zones. Jean-Paul Huchon répond que cela réduirait considérablement les recettes et donc la capacité d'investissement du Stif.Mais c'était dans son projet de 2004... Chacun a le sentiment aujourd'hui que les tarifs sont injustes. Plus on habite loin, plus la qualité se dégrade. Ce découpage en six zones n'a pas de sens. Je plaide effectivement pour deux zones. Une zone métro et une zone banlieue à moduler. Il faut créer un pass Navigo intelligent qui permette la mise en place d'une tarification en fonction de la distance et de la qualité de la ligne. Que ceux qui utilisent le RER D, qui affiche 10 % de taux de retard, ou le RER A, qui a connu dix-huit jours de service minimum, paient moins cher. Ce serait une sanction financière infligée aux opérateurs qui les inciteraient à faire progresser la qualité de service.Nicolas Frangoulis : Comment comptez-vous relancer l'économie ?Aujourd'hui, les décisions que prend la région vont dans le mauvais sens. L'endettement augmente de 27 % et les investissements en valeur réelle baissent de plus de 2 %. Dans cette année, qu'on espère de reprise, il faudrait accompagner l'investissement et utiliser notre capacité d'endettement pour investir. Il faut pour cela que la région sorte de la logique administrative d'aide aux entreprises. Aujourd'hui, les entreprises déposent des demandes de subvention à des guichets. Certaines ne parviennent pas à se mettre dans cette logique. Je les comprends. Elles ont face à elles des interlocuteurs qui n'ont rien à voir avec leur domaine d'activité. C'est un spécialiste de la santé qui va traiter le dossier d'une start-up de la high-tech !N. F. Que proposez-vous ?La création d'un fonds stratégique d'investissement régional. Les PME ont un problème de financement. Et, du fait de la crise, elles fonctionnent par à-coups. Avec des commandes qui interviennent à la dernière minute. Sans compter la difficulté que rencontrent les chefs d'entreprise à transmettre leur société. Il leur faut convaincre soit les salariés, soit les héritiers ou des investisseurs, français de préférence, de prendre la suite. En période de crise, c'est encore moins facile qu'en temps normal. Il faut donc que la région ait une vraie stratégie industrielle. Ce fonds stratégique d'investissement régional pourrait monter au capital de PME jugées prometteuses et revendrait sa participation après. Île-de-France capitale joue certes déjà ce rôle, mais de façon embryonnaire. La région ne l'a dotée que de 2 millions d'euros alors qu'il faudrait au moins 100 millions d'euros. C'est ce que je préconise pour le fonds régional que j'appelle de mes voeux. Avec l'appui, bien sûr, d'autres fonds institutionnels. Et puis il y a un autre créneau qui doit être absolument traité. Ce sont la TPE, les artisans, les commerçants, les autoentrepreneurs... Je propose la création d'un fonds de microcrédit économique régional. En période de chômage de masse, les autoentrepreneurs ont besoin d'un coup de pouce.Édouard Blanchot : Que comptez-vous faire pour favoriser la création d'entreprises ?On travaille sur un très beau projet avec l'ancien président de l'Essec. Nous voulons créer Sup de Pro. Notre objectif : proposer l'équivalent d'une grande école aux bacheliers professionnels. Celui ou celle qui passe son bac pro a un métier dans les mains. En entrant à l'université, ses chances de terminer son cursus ne dépassent pas 5 %. Avec Sup de Pro, nous pouvons faire émerger une élite des bacheliers professionnels pour leur apprendre à devenir de vrais chefs d'entreprise.N. F. : Dans les sondages, vous êtes en tête au premier tour, mais M. Huchon vous bat au second. Comment comptez-vous faire mentir les sondages ?Ma stratégie, c'est de développer mes idées. Je n'ai pas parlé de l'ouverture sept jours sur sept des lycées, y compris pendant les vacances scolaires d'été. Pour des activités sportives, culturelles, périscolaires... C'est sur mes idées que je veux faire cette campagne. Il ne s'agit pas d'une élection contre le gouvernement et sa politique de réformes. Cette élection-là aura lieu dans deux ans, et on aura alors un vrai bilan à défendre.
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