Stratégie de croissance  : sortons enfin des tranchées  !

Tous les scénarios de reprise envisagent pour la France et l'Europe une sortie de crise lente, fondée sur une croissance molle. Son accélération devient donc un enjeu essentiel. Aussi la Commission européenne présente- t-elle une nouvelle stratégie pour la croissance durable et l'emploi. Le gouvernement, lui, en fait son principal objectif - plus encore après les régionales -, à travers le grand emprunt et la promotion d'une France industrielle et conquérante à l'international.La volonté est bien là, mais avec une contradiction de fond : à partir de nos pôles d'excellence (nucléaire, aéronautique, luxe, etc.), vouloir mener une politique d'expansion internationale, mais retranchés derrière une véritable « ligne Maginot ». L'appui sur de grands groupes nationaux, des solutions franco-françaises en constituent les casemates sectorielles ; un certain protectionnisme commercial (débats sur la TVA sociale, taxe carbone aux frontières de l'Union, distribution sélective extensive), les réseaux de barbelés défensifs ; la réticence devant les transferts technologiques, l'espionnite caractéristique de la citadelle assiégée.Or l'actualité récente souligne le délitement de ce modèle et impose de changer de stratégie pour retrouver une croissance forte et notre place dans le commerce international. L'échec nucléaire à Abu Dhabi, a contrario le recours à des groupes sud-coréen et turc pour sauver les Chantiers de l'Atlantique et Heuliez, illustrent la nécessaire coopération avec d'autres groupes internationaux. Elle permet de compléter une offre trop réduite ou trop étroitement nationale et fournit l'allié local nécessaire pour pénétrer un marché. La démarche n'est pas toujours évidente, comme le montrent la rupture entre Areva et Siemens ou les difficultés de Danone en Chine. Elle n'en est pas moins nécessaire.D'autre part, les transferts de technologie devraient enfin permettre la vente du Rafale, au Brésil tout d'abord, après celle de réacteurs nucléaires en Chine. Là encore, les principaux gisements de croissance se situent, pour une bonne part, dans les pays émergents. Or ils ne se contentent plus d'être les usines d'un monde dans lequel l'avantage technologique resterait occidental, comme le voulait une vaine doxa économique, occidentale justement. Là non plus, la stratégie n'est pas sans risque - la technologie vendue à Abu Dhabi est en partie française - et supposera un effort accru en innovation, recherche et développement pour ne pas être dépassée par les technologies que nous aurons nous-mêmes cédées.Enfin, le luxe, arc-bouté sur une distribution sélective censée le protéger, est à son tour rattrapé par la crise et la réduction de sa clientèle, du côté des plus riches comme des jeunes générations. Le principe même - réserver la commercialisation de produits dont les qualités propres le justifient à des distributeurs agréés - n'est pas en cause : ainsi des médicaments sous ordonnance, délivrés par les seuls pharmaciens. Mais le luxe, sur Internet par exemple ? Les retours d'expérience semblent clairs. Les « ventes privées » n'ont pas affecté son image, mais écoulé les stocks. La vente à prix cassés, en occasion, sert souvent de portes d'entrée à de nouveaux clients, jeunes ou provinciaux. Même la concurrence avec les boutiques physiques semble réduite, la vente en ligne bénéficiant surtout à ceux qui en sont éloignés ou préparant la venue en magasin. à contrario, la restriction de l'offre officielle encourage son détournement, et se retourne donc contre ses promoteurs ! À cet égard, l'autorisation d'imposer aux distributeurs des boutiques physiques, excluant, de facto, les pure players, que retiendrait la révision du règlement européen sur le sujet irait dans le mauvais sens. Là encore, pourtant, l'évolution semble à terme inéluctable.Il est difficile, les stratèges militaires ou sportifs vous le diront, de jouer longtemps à la fois en attaque et en défense. Vient un moment où il faut choisir, et ce temps, celui de la sortie des tranchées, semble être venu. n(*) Délégué général de l'Institut Thomas More.Point de vue Jean-Thomas Lesueur (*)
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