Le cauchemar indien des Jeux du Commonwealth

Quels que soient les pays vainqueurs à l'issue des Jeux du Commonwealth, qui débutent le 3 octobre et s'achèveront le 14 octobre, l'Inde, pays hôte des épreuves sportives, passe d'ores et déjà pour un des perdants. La troisième économie d'Asie a brillé par les préparatifs chaotiques de ces Jeux qui opposeront plus de 70 pays et territoires. Le retard pris dans la réalisation des équipements, l'écroulement d'un pont conduisant au stade, celui du plafond de la salle d'haltérophilie 24 heures plus tard, tout a contribué à semer le trouble parmi les athlètes. Certains ont laissé entendre qu'ils pourraient reconsidérer leur participation aux épreuves pour des raisons d'hygiène, la menace d'une épidémie de dengue se précisant ces dernières semaines. Le Canada, l'Écosse, la Nouvelle-Zélande ont repoussé de quelques jours leur arrivée afin de laisser le temps aux entreprises de terminer la plomberie, les équipements de télécommunication et l'ameublement du village sportif. 120.000 hommes mobilisésPour assombrir un peu plus le contexte, le spectre de nouvelles tensions entre hindous et musulmans est plus que jamais redouté par les autorités qui ont mobilisé 120.000 hommes autour du site des Jeux alors qu'au nord du pays se décide le sort du site de l'ancienne mosquée d'Ayodhya, dont la destruction en 1992 par des Hindous avaient provoqué la mort de 2.000 personnes. Même le choix de la personnalité devant inaugurer les Jeux en l'absence de la Reine Élisabeth a ouvert une polémique ubuesque. Moody's Analytics, une filiale de l'agence de notation, y est allé de ses commentaires assassins en fin de semaine passée. « La confiance dans les infrastructures de l'Inde, sa capacité à organiser des événements d'envergure, et sa réputation comme destination touristique sont aujourd'hui en question », tonne Matt Robinson, économiste senior chez Moody's Analytics à Sydney. Le défi que s'est lui-même lancé le gouvernement indien en déclarant à la moindre occasion vouloir rivaliser avec la Chine, l'autre géant émergent d'Asie, pourrait bien se retourner contre l'Inde. Chacun se souvient en effet de l'organisation parfaitement huilée des Jeux Olympiques par la Chine en 2008.Plus prosaïquement, c'est l'objectif du Premier ministre Manmohan Singh de tripler l'afflux d'investissements étrangers à 100 milliards de dollars d'ici à 2017 qui pourrait subir les conséquences de la péripétie des Jeux du Commonwealth. Le chef du gouvernement indien souhaite mettre à contribution les fonds privés pour financer au moins la moitié des 1.000 milliards de dollars d'infrastructures (routes, ponts, aéroports...) dont le pays a grandement besoin pour éliminer les goulets d'étranglement dont souffre son économie. « La publicité négative (des Jeux) pourrait dissuader l'investissement étranger et amener les multinationales qui envisagent de se renforcer en Inde à réfléchir deux fois », prévient Moody's. Compte tenu de l'extrême susceptibilité nationale, le triste épisode des Jeux ne peut qu'accroître la frustration des Indiens vis-à-vis du Premier ministre. Réélu triomphalement il y a un an et demi, celui-ci peine à satisfaire les attentes de ses compatriotes. Parmi ses détracteurs, on considère qu'aucune des grandes réformes promises n'a abouti qu'il s'agisse de santé, de corruption, ou d'infrastructure. Même l'accord passé avec les États-Unis dans le nucléaire civil peine à déboucher sur les investissements espérés. Au moment où la Chine affirme ses ambitions en Asie face au Japon, aux États-Unis et à l'Inde, celle-ci a mal choisi le moment pour laisser apparaître ses faiblesses.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.