Quand Intel fait la chasse aux pépites

Quand Eric Bantégnie, cofondateur d'Esterel Technologies, a voulu décrocher un rendez-vous avec le responsable du design électronique de Boeing, il s'est tourné vers un de ses investisseurs, Intel Capital. Esterel est un spécialiste des outils de programmation pour les systèmes dits critiques, qui permettent au TGV, à l'Airbus et aux centrales nucléaires de fonctionner correctement. « Un coup de téléphone d'Intel Capital a permis de sécuriser le rendez-vous », confie Eric Bantégnie. Boeing est maintenant client d'Esterel Technologies.Cette start-up installée à Sophia-Antipolis et Toulouse figure parmi le millier d'entreprises financées par Intel Capital. Une structure lancée en 1991 par le leader mondial des microprocesseurs et qui affiche aujourd'hui des chiffres impressionnants : en près de vingt ans, Intel a investi 9,7 milliards de dollars dans plus de 1.050 start-up situées dans 48 pays. Sur ce total, 189 ont été introduites en Bourse et 258 ont été soit achetées, soit fusionnées avec d'autres entreprises. Et l'effort ne faiblit pas. En 2009, le groupe a investi 327 millions de dollars dans 107 entreprises, 25 d'entre elles étant des premiers investissements pour une centaine de millions de dollars. Et en 2010, le total de ses mises de fonds avoisine les 320 millions de dollars.Intel a mis en place des équipes partout sur la planète pour détecter les pépites d'aujourd'hui ou de demain. « Nous avons des directeurs d'investissement dans 25 pays dans le monde », explique Arvind Sodhani, directeur général d'Intel Capital. Le groupe est ainsi présent dans des endroits comme le Chili, le Vietnam, en passant par la Roumanie et la Pologne. L'objectif ? Dénicher des sociétés capables d'être un exemple direct ou indirect de l'utilisation des technologies Intel. Et, bien sûr, réaliser un investissement rentable. « Lorsque nous avons lancé Intel Capital au début des années 1990, les premières applications Internet sont apparues », se souvient Paul Otellini, le patron d'Intel. « Nous voulions être absolument sûrs que ces applications fonctionneraient bien avec un PC. Nos premiers investissements ont reflété ce souci », précise-t-il. Par la suite, le géant américain a conservé ce mode opératoire mais a commencé « à investir en dehors des États-Unis », poursuit Paul Otellini ; « à l'avenir, nous voulons focaliser notre énergie sur l'ingénierie pour faciliter la connectivité et les échanges entre divers systèmes. Le tout en restant ouverts ».Bien sûr, le groupe a enregistré quelques échecs depuis la création de cette structure. C'est la règle du jeu dans ce métier. « Nous sommes patients et nous pouvons attendre longtemps qu'un investissement atteigne tout son potentiel », assure Mike Buckley, responsable des investissements liés à l'Internet grand public. « Si cela ne marche pas, nous le cédons. »Dans l'industrie du « venture capital », le co-investissement aux côtés d'Intel est un gage de qualité. Depuis la crise, toutefois, nombre d'acteurs du secteur ont perdu de leur vigueur et peinent à valoriser leur mise de fonds initiale. Le potentiel d'introduction en Bourse des entreprises de leur portefeuille s'est restreint, même si la fenêtre de tir s'est récemment ouverte. Les fusions demeurent compliquées. Et les investisseurs institutionnels sont devenus frileux. Chez Intel, toutefois, on prend son temps et pour investir et pour organiser la sortie.Le groupe revendique surtout une vertu unique dans cette activité : d'excellentes relations avec de multiples industriels permettant à une start-up de trouver rapidement des clients et des partenaires. Intel Capital est à la fois au centre d'un réseau de financiers mais aussi d'un réseau de clients potentiels. Or, trouver des clients pour une start-up est souvent le plus dur. Eric Bantégnie, chez Esterel, en est l'exemple frappant. Du reste, Intel organise régulièrement des « technology days », rencontres entre ses nombreux poulains et des clients ou des acquéreurs potentiels. En cinq ans, plus de trois cents journées de ce type ont eu lieu.Les investissements sont portés sur son bilan et la sélection s'opère sans tabou. Ainsi, Intel Capital possède une partie du capital d'AVG, le spécialiste tchèque de la sécurité informatique. Pourtant, Intel s'est offert tout récemment McAfee, grand spécialiste de la sécurité informatique, pour 7,68 milliards de dollars (6,8 milliards, hors cash). De même, Intel est présent au capital de VMware, le leader mondial de la virtualisation des serveurs. Cette technique consiste à faire fonctionner plusieurs applications sur un serveur. Cela n'empêche pas Intel Capital de participer au développement de Parallels, une jeune pousse russe spécialisée dans la virtualisation des infrastructures informatiques. Le mot d'ordre est de ne pas louper une opportunité qui peut se révéler payante pour les nouveaux métiers d'Intel ou simplement pour son compte de résultat, via une plus-value de cession.Si les investissements d'Intel Capital sont liés à ses grandes divisions sectorielles ou aux grandes zones géographiques, la branche « Internet des consommateurs » (« consumer Internet ») représente une exception puisqu'elle est transverse. « Nous recherchons des investissements qui auront un impact stratégique sur les différentes divisions d'Intel », explique Mike Buckley, son responsable. Les applications pour les télévisions connectées, les applications mobiles, les réseaux sociaux, la géolocalisation et, d'une manière générale, tout ce qui transite par un réseau et sollicite un centre de données l'intéresse. « Nombre de ces applications soutiennent la croissance des centres de données, précise Mike Buckley. Google et Zinga (jeux pour réseaux sociaux) consomment beaucoup de serveurs. » Enfin, Intel Capital ne s'interdit pas d'investir en avance de phase dans des secteurs qui ne sont pas encore stratégiques pour ses divisions mais qui peuvent le devenir. « Nous appelons cela des investissements ?Eyes and Ears? », confie Mike Buckley. On regarde, on écoute, on évalue et, si cela rentre dans les critères, on sort le carnet de chèques.Pascal Boulard
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