Toute toute première fois

« J'ai dû être japonais dans une autre vie. » Au début des années 1980, Alain Senderens est au sommet de sa gloire - il vient de recevoir la troisième étoile pour L'Archestrate, son restaurant parisien - lorsqu'il découvre le Japon. La « nouvelle cuisine » est alors une révolution dans la gastronomie française, encore pleine des recettes d'Escoffier et de la lourdeur de certaines préparations, très XIXe siècle. Une bande de jeunes chefs, dont Alain Senderens, dépoussière tout ça à grand renfort de cuisson juste, de présentations épurées et de recettes qui, aujourd'hui, font partie de notre quotidien gastronomique. Ce n'est pourtant pas l'enthousiasme qui conduit le chef au voyage, mais son amitié avec le directeur de l'école de cuisine d'Osaka.« Je me suis retrouvé sur une autre planète culinaire, se souvient Alain Senderens. « Avec la nouvelle cuisine, nous faisions un peu comme Monsieur Jourdain avec la prose, sans trop le savoir, de la cuisine d'inspiration japonaise. » Il découvre alors une terre de nouvelle cuisine alors que le Japon est au sommet de sa puissance économique. Ses créateurs (Issey Miyake, Kenzo, Hanae Mori...) bousculent les codes vestimentaires. « J'ai eu un choc en découvrant ce pays. Nous faisions quelque chose de similaire, mais loin d'être aussi pouss頻, reconnaît Alain Senderens qui découvre alors une gastronomie du dépouillement, au service du produit. De retour en France, il met à sa carte un saumon servi avec une sauce à base de sauce soja. Les critiques seront sévères. Une incompréhension qui n'empêchera jamais le chef d'y retourner régulièrement pendant quinze ans. Le temps d'apprivoiser la culture japonaise, les ingrédients, les techniques - notamment celle de la « tempura » pour laquelle il a une grande admiration - et de sillonner le pays. « Ma principale motivation pour les voyages?: apprendre?! Mes différentes expériences m'ont rendu différent », explique Alain Senderens qui aura passé sa vie à « franciser » les découvertes faites durant ses différents voyages, à les adapter à nos palais. « La cuisine française s'est toujours nourrie d'influences, d'apports extérieurs. C'est aussi ce qui fait sa richesse. » Même si aujourd'hui il ne retourne plus au Japon, les recettes de son restaurant de la place de la Madeleine sont toujours empreintes de produits japonais, l'art de la table lui emprunte beaucoup et il apprécie particulièrement la rigueur des cuisiniers japonais, dont certains fréquentent ses fourneaux. Et son chef, Jérôme Banctel, a pris la relève. C'est lui, maintenant, qui parcourt l'archipel. Il vient d'ailleurs de réaliser, pendant trois jours, un opus à quatre mains avec un jeune chef japonais à Paris, chez Alain Senderens.Béatrice Delamotte ? Mardi : Gérard Uféras, mon premier photo-reportage.
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