La crise pousse les Irlandais à soutenir le traité de Lisbonne

Elle ne le sait pas, mais une bonne partie des espoirs des bureaucrates bruxellois repose sur les épaules de Sarah. La jeune Irlandaise de 25 ans, au chômage depuis six mois, avait voté « non » lors du premier référendum sur le traité de Lisbonne il y a seize mois. Mais pour le second référendum, elle hésite. « Je n'ai pas assez d'informations et je ne comprends pas bien de quoi il s'agit. Je suis indécise. »Entre les deux votes, la vie de Sarah ? et l'économie irlandaise ? ont été chamboulées. Il y a six mois, cette comptable a fait partie d'un plan de licenciement de l'entreprise de BTP pour laquelle elle travaillait. Son frère, charpentier, a lui aussi perdu son emploi. La longue file d'attente dans laquelle Sarah se trouve, qui serpente à travers la salle de l'ANPE de Tallaght, une petite ville populaire au sud de Dublin, parle plus que toutes les études économiques : « C'est plein tous les jours depuis un an », témoigne un employé.changement de mentalité La crise économique a fait réfléchir les Irlandais. Après avoir rejeté à 53 % le traité de Lisbonne en juin 2008, ils sont appelés aux urnes une seconde fois aujourd'hui. Le sondage le plus récent indique que le « oui » est nettement favori, à 55 %, le « non » n'atteignant que 27 %, tandis que 18 % des personnes interrogées restent indécises, à l'instar de Sarah. La récession (l'économie va se contracter de presque 9 % en 2009 !) est venue rappeler aux Irlandais les avantages de faire partie de l'Europe. Dublin, qui a dû financer le sauvetage des trois principales banques du pays, a évité un scénario à l'islandaise grâce à son appartenance à la zone euro. La monnaie n'a pas été dévaluée, les taux d'intérêt ne se sont pas envolés et les obligations irlandaises continuent à être souscrites par les investisseurs internationaux.Dans le quartier chic de Dundrum à Dublin, les militants du « oui » confirment le changement de mentalité. « Quand tout allait bien, il était de bon ton de critiquer le traité de Lisbonne ; mais maintenant, le sujet principal de conversation tourne autour de l'économie et l'emploi, les électeurs ne souhaitant pas que l'Irlande se retrouve isolée », explique Ann Ormonde, sénatrice du Fianna Fáil, le parti au pouvoir. Ici, le « oui » l'a emporté à 65 % lors du premier référendum, mais peu de gens s'y intéressaient. Le vote est désormais devenu un thème d'actualité. « Les jeunes qui n'avaient pas voté la première fois se sont mis à écouter nos arguments », note Shay Brennan, un militant du Fianna Fáil.D'autres éléments penchent aussi en faveur du « oui ». Ainsi, les exceptions au traité de Lisbonne, négociées par le gouvernement, qui apportent aux 4,2 millions d'habitants des garanties sur des sujets sensibles : sur la neutralité militaire du pays (les Irlandais craignaient la création d'une armée européenne), sur l'indépendance fiscale (le pays a un faible taux d'imposition sur les entreprises), sur l'avortement (encore interdit) et sur le maintien d'un commissaire européen à Bruxelles. Chacun de ces sujets avait contribué à la montée en puissance du « non » l'an dernier.Pourtant, les jeux sont loin d'être faits. À l'ANPE de Tallaght, il reste très difficile de trouver un soutien ferme au traité de Lisbonne. Dans la municipalité, qui avait déjà le taux de rejet du traité le plus élevé l'an dernier, avec 65 % de « non », on reste toujours très méfiant à l'égard du nouveau traité. Les craintes concernent particulièrement les droits des travailleurs, reflétant la campagne menée par les partis d'extrême gauche. « Si le traité est adopté, le salaire minimum va baisser », croit savoir Andy, un plombier de 22 ans au chômage. Il fait ainsi allusion aux affiches du socialist party, un groupe d'extrême gauche, qui affirme que le salaire minimum sera de 1,84 euro en cas de vote positif. Si l'information est fausse ? le salaire minimum n'ayant rien à voir avec le traité de Lisbonne ?, l'affiche, percutante, pourrait faire hésiter. « Je pense que le ?oui? l'emportera, mais seulement à 52 %-53 % », prédit Gail McElroy, politologue à l'université de Trinity College. Le vote pourrait donc être plus serré que ne le laissent penser les sondages. Mais pour les bureaucrates de Bruxelles, un tel score serait déjà une bénédiction. n
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