Chronique de la City. Prison pour les traders, afin de sauver la peau du régulateur

Par Éric Albert, à LondresPlus un seul jour ne passe sans que la FSA ne fasse trembler les salles de marché. Le régulateur financier britannique multiplie en ce moment les coups d'éclat. Il y a bien sûr eu l'impressionnante descente de police la semaine dernière, quand la FSA a arrêté sept figures éminentes de la City, pour une suspicion de délit d'initié. Pour la première fois, le régulateur s'est attaqué à de gros poissons, y compris Clive Roberts, la star d'Exane (une co-entreprise dont BNP Paribas détient 40 %) ; Martyn Dogson, directeur du courtage à Deutsche Bank ; Julian Rifat, un courtier au hedge fund Moore Capital... Les sept individus ont été interrogés et sont, pour l'instant, relâchés sans inculpation.Treize délits d'initiés pour un seul hommeCe n'était pas un coup isolé. Ce jeudi, sept autres personnes (dans un cas séparé) ont été inculpées pour délit d'initié, sur des faits datés entre 2006 et 2008. La veille, le singapourien Helmy Omar Sa'aid avait été inculpé pour treize cas de délit d'initié. Là encore, il s'agissait d'une première historique : l'homme avait été expulsé par les autorités françaises, après avoir été arrêté aux îles Comores, où il se trouvait. C'est la première fois de l'histoire britannique qu'un délit d'initié provoque une expulsion internationale.De longues enquêtes qui portent leurs fruitsTout cela en moins de dix jours. Pourquoi cette soudaine activité ? Officiellement, l'explication est simple : les enquêtes concernant les délits d'initié sont longues et le régulateur récolte actuellement les fruits du travail de ces trois dernières années.La FSA a en effet durci le ton depuis 2007. À cette époque, critiquée pour ne pas être suffisamment dure contre les abus de marché, le régulateur avait décidé de recourir à des poursuites pénales (condamnables de peines de prison), au lieu de poursuites au civil (qui se soldaient au mieux par des amendes peu dissuasives).Il lui aura fallu longtemps, mais cela a mené aux premières condamnations de prison voilà un an. Actuellement, quatre personnes sont derrière les barreaux pour délit d'initié, avec des peines allant de huit mois à deux ans de prison ferme.La FSA en danger de mort Pourtant, le regain d'activité de la FSA intrigue. Cela pousse à apporter une autre explication, plus politique. La FSA est en danger de mort. Les conservateurs, favoris pour remporter les élections ? qui devraient se dérouler le 6 mai- veulent mettre fin au régulateur britannique. Leur objectif est de rapatrier ses pouvoirs de supervision bancaire à la banque d'Angleterre, revenant ainsi à l'organisation réglementaires d'avant l'élection des travaillistes en 1997.Sous un gouvernement tory, la FSA deviendrait une simple association de défense des consommateurs. Qui obtiendrait le rôle de gendarme financier ? Les conservateurs envisagent de créer un régulateur indépendant, entièrement dédié à cette tâche, même s'ils n'ont pas encore tranché définitivement.Autant de raisons pour Lord Adair Turner, le très influent président de la FSA, d'accélérer les procédures. En multipliant les procès et les arrestations, il prouve que le régulateur est utile et actif. Si les enquêtes en cours n'ont pas débuté ces derniers jours, ce n'est sans doute pas un hasard qu'elles semblent toutes aboutir à moins de deux mois des élections.
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