Le sol se dérobe

Des hôtels flambants neufs récemment achevés pour accueillir les hordes de touristes attirés par le soleil et les plages marocaines. Et à quelques kilomètres seulement, des bords de mer amputés de plusieurs mètres, qui reçoivent nuitamment la visite de pauvres hères accompagnés de mulets, dont ils emplissent les sacoches de sable ramassé à la pelle.Cette juxtaposition aussi ironique qu\'effrayante symbolise à elle seule le pillage silencieux et jusqu\'ici peu médiatisé de la deuxième ressource mondiale après l\'eau, pourtant à l\'œuvre dans le monde entier.Le sable marin méthodiquement ramasséDe la Californie à l\'Australie en passant par l\'Afrique, les Caraïbes et l\'Asie, en recourant à des techniques des plus moyenâgeuses (à la main dans quelques mètres de profondeur aux Maldives) aux plus sophistiquées (à l\'aide de navires sabliers qui siphonnent littéralement les fonds), dans la légalité la plus transparente ou dans les mains des mafia locales, le sable marin est méthodiquement ramassé.Les océans à la rescousse après l\'épuisement des carrières terrestresLe sable entre dans la composition de nombreux produits dont le verre, bien sûr, mais également de nouveaux matériaux composites, les puces électroniques, les panneaux photovoltaïques, et pèse 80 % du béton englouti chaque année dans les programmes de constructions galopants des pays en développement.Si cette utilisation peut sembler on ne peut plus légitime, la question en revanche se pose concernant les terres gagnées sur la mer à Singapour, et ne se pose plus du tout pour les îles artificielles au large de Dubaï, dont la construction a absorbé plus que la production française annuelle.Si le sable marin est victime d\'un tel pillage, c\'est que les carrières terrestres ne suffisent plus à répondre à cette demande exponentielle, soit qu\'elles soient épuisées, soit que leur exploitation soit devenue incompatible avec les nouvelles normes environnementales.Des conséquences perceptibles en France mêmeMais ce sable marin n\'est pas adapté à tous les usages, notamment de construction, avant d\'avoir été dûment lessivé et dessalé, au prix d\'une consommation massive d\'eau douce et parfois d\'énergie. Et c\'est loin d\'être le seul impact environnemental de ce recours massif au sable marin. Le siphonage des fonds perturbe les éco-systèmes et érode le gagne-pain des marins-pêcheurs ; mêmes effets au niveau des côtes, où l\'érosion accélérée favorise de surcroît les inondations.Deux phénomènes observables jusqu\'en France. Des élus et pêcheurs bretons se sont ainsi ligués au sein du mouvement « Le peuple des dunes » contre les pratiques d\'un groupe industriel menaçant la baie de Lannion. Un peu plus au Sud, les ravages provoqués en 2010 par la tempête Xynthia ont été aggravés par pratiques similaires au large d\'Aytré.Ce n\'est sans doute pas le dernier scandaleRendons grâce à Denis Delestrac, qui a réalisé le documentaire « Le sable, enquête sur une disparition », d\'avoir mis sa caméra au service de pratiques dont l\'ampleur et les impacts n\'ont d\'égal que le silence assourdissant qui les entourait jusqu\'ici.Nous savons désormais que s\'affranchir de notre dépendance à des ressources fossiles qui finiront par s\'épuiser, préserver la biodiversité, gérer au mieux la ressource en eau ou arbitrer entre les différents usages des sols ne constituent pas l\'alpha et l\'omega d\'une civilisation respectueuse de la planète. Et ce pillage du sable n\'est sans doute pas le dernier scandale que nous serons amenés à découvrir...(*) Qu\'il est possible de voir durant 7 jours sur le site d\'Arte>> VIDEO Le sable, l\'enquête sur une disparition>> VIDEO Débat ; la guerre du sable avec Denis Delestrac, réalisateur du documentaire \'Le sable - Enquête sur une disparition\', diffusé à 20h50, et Norbert Métairie, maire de Lorient, Président de la communauté d\'agglomération du pays de Lorient.
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