Grand PAI devient petit

le 21 juillet 2009. Avenue de l'Opéra, à Paris, dans les bureaux de PAI Partners, le plus grand fonds d'investissement français. On frappe à la porte du bureau du président, Dominique Mégret. L'un de ses associés, Lionel Zinsou, pénètre dans la pièce. Il est accompagné par Ricardo de Serdio et Raffaele Vitale, les patrons des bureaux en Espagne et en Italie. La visite des trois hommes n'est pas anodine : ils exigent plus de pouvoir dans la société. Ils mettent leur démission dans la balance. Ils se disent soutenus par deux autres associés. Dominique Mégret reste interdit face à ce qu'il perçoit comme un affront. Dans les jours qui suivent, il cherche une solution, allant jusqu'à proposer la nomination d'un médiateur. Mais rien n'y fait, le dialogue ne se noue pas. Le 31, Dominique Mégret et son bras droit, Bertrand Meunier, démissionnent. Arrivé au printemps 2008 de la banque d'affaires Rothschild, Lionel Zinsou prend les rênes de PAI. Un événement qui, par ses conséquences, marque la fin d'une ère prestigieuse pour le fonds d'investissement. Car l'histoire de PAI Partners ces dernières décennies est celle d'une ascension irrésistible. Dans une première vie, PAI était Paribas Affaires Industrielles, le bras armé pour l'investissement industriel de la banque Paribas. Dans une deuxième vie, PAI est devenu un fonds d'investissement indépendant, un grand parmi les grands sur le marché du LBO (rachat avec un recours à l'emprunt). Son tableau de chasse des vingt dernières années est éloquent : M6, Saur, Bouygues Telecom, Yoplait, Vivarte, Kaufman & Broadroad, Atos? Au milieu des années 2000, la réputation de l'équipe dirigeante, composée de Dominique Mégret et de Bertrand Meunier, dépasse les frontières françaises. La consécration vient le 6 mai 2008, avec l'annonce de la clôture de son cinquième véhicule à 5,4 milliards d'euros. PAI devient le plus gros fonds de LBO d'Europe continentale, et, surtout, le seul à être en mesure de concurrencer les grands noms britanniques ou américains, comme Apax Partners ou Blackstone, dont la force de frappe se compte en dizaines de milliards d'euros.Mais voilà, en 2008, la machine se grippe. La crise frappe de plein fouet le secteur de la construction, auquel PAI est largement exposé. Il détient la majorité du capital du promoteur immobilier Kaufman & Broadroad et du fabricant de toitures Monier, l'ex-Lafarge Roofing. Le cas Kaufman & Broadroad est résolu bon an mal an, mais, pour Monier, l'exercice se révèle beaucoup plus périlleux.Dès l'automne 2008, dans les bureaux de PAI, l'inquiétude gagne quant à la santé de la société. Le pronostic est pessimiste : le résultat d'exploitation de Monier sera divisé par deux en 2009 par rapport à l'exercice précédent. La société sera donc incapable de rembourser la dette massive contractée au moment de son rachat en 2007. Michel Paris, l'un des principaux associés de PAI, en charge de l'investissement, doit négocier un allégement de l'endettement avec les créanciers, dont le chef de file n'est autre que BNP Paribas, par ailleurs investisseur dans les fonds de PAI Partners.Débutent de longs mois de négociation. Le feuilleton défraie la chronique. Les discussions tournent à l'aigre, et les banques s'emparent de Monier. Fin de partie pour PAI, qui perd sa mise de 256 millions d'euros : l'événement provoque le « putsch du 21 juillet » contre Dominique Mégret.Dans l'entourage du fonds, certains voient dans le départ précipité de Dominique Mégret la patte de BNP Paribas. La direction de la banque, agacée par la résistance opposée par PAI dans l'affaire Monier, aurait pointé le pouce vers le bas et soutenu la « solution Zinsou ». « Sans l'appui de BNP Paribas, Lionel Zinsou n'aurait jamais tenté son coup de force », estime un proche du dossier. Force est d'admettre que la banque de la rue d'Antin a tout du faiseur de roi : hormis ses liens historiques avec la société, elle en est le premier investisseur, avec plus de 22 % des capitaux du fonds PAI Europe V. Pourtant, au plus fort de la tempête, « nous recevions des messages plutôt rassurants », relate un associé du fonds. Ainsi, en mai, Dominique Mégret avait rencontré Georges Chodron de Courcel, le directeur général délégué de BNP Paribas, qui l'avait conforté dans sa position.Ironie du sort, c'est Dominique Mégret lui-même qui avait milité pour l'arrivée de Lionel Zinsou en avril 2008. Avec, dans l'idée, de préparer sa succession, prévue à l'horizon 2013. Pour la suite, il imaginait une direction à deux têtes, avec Lionel Zinsou d'un côté et Bertrand Meunier, son bras droit, de l'autre. L'éloquence alliée à l'ingénierie financière. Mais entre Dominique Mégret et son successeur, la noce est de courte durée. Le premier reproche au second de ne pas s'investir suffisamment. Les deux hommes s'expliquent par deux fois, en avril et en juin 2009, au cours d'entretiens houleux.Sur le départ, Dominique Mégret liquide son héritage de trente-cinq années passées dans la maison, dont dix comme dirigeant : après s'être fait rembourser sa mise dans le dernier fonds, soit plus de 1 million d'euros, il cède sa part du capital dans la société (36 %). Au total, il récupère 22 millions d'euros. Bertrand Meunier, pour sa part, empoche environ 16 millions d'euros. Et le robinet n'est pas refermé, puisque tous deux percevront encore plusieurs millions lorsque les investissements en cours seront débouclés (« carried interest »). Du côté de Lionel Zinsou, la retraite dorée n'est pas encore à l'ordre du jour. Le neveu de l'ancien président du Bénin se retrouve face à un sac de n?uds. Son arrivée a déclenché la clause dite du « Key-man », qui donne droit aux investisseurs, en cas de départ de M. Mégret, de renégocier leurs engagements dans le fonds PAI Europe V, actuellement de 5,4 milliards d'euros (dont 840 millions déjà investis dans Atos et Xella). Avec cette clause, PAI perd également le bénéfice de certaines lignes de crédit négociées avec ses banquiers, dont une devait éventuellement servir à financer un investissement supplémentaire dans Atos. Lors de ses premiers jours à la tête de PAI, Lionel Zinsou se veut rassurant devant la presse et ses équipes : la réduction du fonds V peut être évitée et, si réduction il y a, elle n'excédera pas 10 % à 15 %. Le 9 septembre, un comité consultatif se tient. Il regroupe les quinze plus grands investisseurs du fonds. Y siègent par exemple Allianz, Axa, BNP Paribas, les fonds souverains singapouriens GIC et Temasek, les américains Hamilton Lane et New York Life, ou encore le Canadian Pension Plan (CPP).Rapidement, un groupe d'investisseurs regroupé autour du CPP et partisan d'une ligne de négociation dure se forme. Ils veulent se retirer massivement du fonds. Car certains d'entre eux, en plus d'être confrontés à leurs propres difficultés, n'accordent qu'une confiance limitée à Lionel Zinsou, lui reprochant notamment son absence de passé d'investisseur.Surpris par cette résistance, le nouveau patron de PAI leur fait parvenir un courrier dans les jours suivant la réunion : il évoque une majorité en faveur d'une réduction de 20 % à 40 %, tout en se disant prêt à aller jusqu'à 50 %. Fin septembre, il entame un tour du monde de ses 140 investisseurs. Le 3 novembre, il soumet à ses partenaires une offre officielle : une réduction de 50 % du fonds, à 2,67 milliards d'euros, l'abandon de certaines commissions et un abaissement du quorum nécessaire pour le vote de certaines décisions stratégiques (de 80 % à 60 %). Comme un symbole, l'offre prévoit aussi que la nouvelle « key-man clause » ne repose par sur Lionel Zinsou, mais sur Michel Paris, un ancien de la maison. Suffisant pour certains, comme New York Life, qui décide de rejoindre le camp de PAI, toujours insuffisant pour d'autres. Le CPP, avec Hamilton Lane et Temasek, veulent obtenir un droit de regard total sur la gestion de PAI et une réduction plus importante du fonds Europe V, à 2 milliards d'euros. Axa et Allianz, pour leur part, soufflent le chaud et le froid. Ce jeudi, ils trancheront lors du vote. Si 80 % d'entre eux acceptent l'offre de Zinsou, le chapitre sera clos. PAI Partners fera alors un bond de dix ans en arrière : de géant du LBO, il redeviendra un fonds d'investissement dans les entreprises de taille moyenne. nPAI est le premier fonds de LBO d'Europe continentale.Au niveau mondial, il pointe à la 22e position, derrière les grands acteurs anglo-saxons.Si le fonds Europe V est réduit de 50 %, PAI sera relégué au-delà de la centième place.
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