Elliott Erwitt, dans un éclat de rire

Il a emprunté à Henri Cartier-Bresson cette capacité à saisir « l'instant décisif ». À Robert Capa, son sens de l'histoire. Et à Groucho Marx son humour. Né à Paris en 1928, installé aux États-Unis depuis 1939, Elliott Erwitt revient aujourd'hui dans sa ville natale pour présenter à la Maison européenne de la photographie une formidable rétrospective de son oeuvre (dont « La Tribune » est partenaire). L'occasion de retrouver certaines icônes comme cette photo d'un Français à vélo avec son fils, leur béret vissé sur le crâne, pédalant sur une route de campagne bordée de peupliers. Mais cette exposition va encore plus loin. Elle révèle combien l'oeuvre d'Erwitt fait le lien entre la « street photography » new-yorkaise et l'humanisme d'après-guerre, et la photographie subjective américaine des sixties dont Diane Arbus était l'un des chefs de file.en 1953, capa le parraineLa photo ? Elliott Erwitt est tombé dedans quand il était petit. Une naissance en France, donc, en 1928, de parents émigrés russes. Une enfance en Italie, ensuite. Avant que la famille ne choisisse Los Angeles comme terre d'asile. On y retrouve le jeune homme à 15 ans tireur dans un laboratoire spécialisé dans les portraits de stars. Il part ensuite trouver du travail à New York, rencontre le grand Robert Capa dont nul n'a oublié les photos du débarquement allié en Normandie, et Edward Steichen alors à la tête du département photographique du Moma. Tous deux le prennent sous leur aile. Mais déjà, l'armée l'appelle. Erwitt intègre l'Army Signal Corps comme assistant photographe, ce qui lui permet de partir avec son appareil en 1951 en Allemagne et en France. À peine rentré à New York en 1953, Robert Capa le parraine pour intégrer la célèbre agence Magnum.Au fil de sa carrière, le photographe a touché à tous les genres, sans jamais perdre de vue les jeux de lignes et de formes. Le portrait de star, comme ce portrait sculptural de Che Guevara. Erwitt s'est également confronté à l'actualité politique. En témoigne cette extraordinaire photo réalisée à Moscou en 1959 figurant un Nixon hargneux pointant un doigt accusateur sur un Khrouchtchev impassible. Reportages sportifs ensuite avec cette image de Mohammed Ali pendant l'un de ses combats. Sans oublier ses centaines d'images hilarantes dont la Maison européenne de la photographie présente une large sélection. Erwitt photographie le théâtre de la vie, souligne avec humour, parfois avec tristesse, les failles d'un monde ou d'une société qui ne tourne pas toujours rond. La ségrégation raciale alors en vigueur aux États-Unis est notamment pointée à travers ce portrait d'un vieux Noir obligé de boire à un robinet pourri, le neuf étant réservé aux « white people only » (ci-dessus). Avec les années, nombre de photos annoncent ou s'inscrivent dans la lignée de celles de Diane Arbus, sauf que lui rit davantage des situations et contrebalance la férocité de cette dernière par son extraordinaire sens de l'humour. Mais il y a aussi de la mélancolie dans certaines images d'Erwitt. « Faire rire et pleurer, je reconnais là que c'est le but suprême », dit le photographe. n« Elliott Erwitt, personal best » à la Maison européenne de la photographie, jusqu'au 4 avril. www.mep-fr.org Catalogue : éditions teNeus, 128p., 39.90 euros.
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