Crise grecque et mythologie de l'information

L'irruption tardive et violente d'une information nouvelle est toujours à l'origine des crises, que ce soit dans l'ordre familial, politique, ou économique. Il en est des entreprises et des pays comme des familles : la dissimulation prolongée d'une information ouvre la voie au soupçon, aux revirements d'alliances, et à la perte de statut. Dans la mythologie grecque, l'imposture est impitoyablement punie, Prométhée l'apprit à ses dépens. C'est aujourd'hui le tour du gouvernement d'Athènes. L'opacité des comptes publics sur le déficit budgétaire et l'endettement, favorisé par des manipulations comptables, coûtera cher à la Grèce, non seulement en prime de risque sur ses financements futurs, mais surtout en crédibilité. La Grèce rejoint ainsi l'Argentine, la Russie, et peut-être aussi la Chine, dans l'Olympe de l'opacité. À qui le tour ?Chaque crise financière, et elles sont nombreuses, porte ainsi un coup de boutoir à la théorie dominante néolibérale. La crise grecque détruit un peu plus la mythologie du marché financier « efficient », sur lequel l'équilibre du bon prix est garanti en permanence, puisque ce prix incorpore de manière non biaisée toute l'information disponible des agents économiques. La révision soudaine par Athènes de plus de 20 % du ratio de solvabilité dette/PIB pour 2010 montre à quel point le marché n'était pas « inform頻. Les leçons du passé n'ont visiblement pas été apprises, et ce, malgré la volonté du Fonds monétaire international (FMI) d'imposer un niveau minimum d'informations à destination des marchés. Dans le contexte actuel - ultra-volatilité des capitaux, besoins de financement croissants et phénomène d'éviction -, a fortiori lorsque les « signaux » classiques ont perdu crédibilité (agences de notation, statistiques, rapports du FMI, etc.), l'information n'a jamais été aussi asymétrique : il devient essentiel d'alimenter le marché en données complètes, transparentes, et régulières sur ses fondamentaux économiques. Le besoin de financement ne touche plus simplement les entreprises et quelques pays, mais bien toute la communauté internationale. Pour financer le trou noir des déficits ou un programme économique « durable », à base de R&D et d'innovations technologiques, un État devra donc emprunter, soit à ses concitoyens (grand emprunt), soit aux marchés. Et il n'y aura pas d'argent pour tout le monde, en tout cas à des taux modérés. Dans ce marché de plus en plus discriminant, la recherche d'une information précise et fiable devient la règle d'or.Aujourd'hui, à la politique budgétaire et monétaire se rajoute donc un troisième outil : la politique « communicataire ». Celle-là consiste en l'utilisation de déclarations ciblées visant à influencer les anticipations des agents économiques pour mieux orienter leurs décisions et leurs comportements. Or, si les entreprises ont depuis longtemps dû composer avec les affres de la communication corporate pour rassurer leurs investisseurs et en séduire de nouveaux, les États ne sont pas encore rompus à cet exercice qui requiert style et substance. L'épée de Damoclès sur la notation des grands pays industrialisés va les rappeler à l'ordre.Dans cette ruée séductrice vers les investisseurs, les pays de l'OCDE sont en concurrence avec les entreprises, mais également avec les grands pays émergents. Et les premiers ne sont pas forcément les mieux placés pour convaincre qu'ils sont porteurs d'une stratégie compétitive de développement dans la globalisation. Face au faisceau d'annonces publiques et privées, où il faut distinguer rumeur, bruits de fond et données fiables, quel serait donc le bon « signal avanc頻 pour qu'un analyste de risque ou un stratège d'allocation d'actifs fasse son choix ? La gouvernance est devenue un élément déterminant d'une trajectoire de développement durable, et la fuite des capitaux est sans doute aussi une bonne mesure de cette gouvernance. Aujourd'hui, la France compte 200 milliards de dollars de dépôts privés non bancaires dans les banques internationales, soit 6,5 % du PIB, comparés à seulement 53 milliards de dollars, et 4 % du PIB, dix ans plus tôt. C'est assurément un chiffre, et une variation, qu'il va falloir scruter. Sans ouvrir la boîte de Pandore ! ?Point de vue Michel henry Bouchet Skema Business School Nice, Sophia-Antipol
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